****************************

Texte revu par le logiciel correcteur Robert,

option « orthographe rectifiée 1990 »

****************************

Toutes les lettres [alerte] sont disponibles sur

http ://alerte.entre-soi.info

****************************

Black Bloc

En France la liberté de manifester existe sous certaines conditions, mais n’est pas inscrite dans la constitution. La voici menacée. Vous avez vu à la télé la déjà pauvrelette tristounette manifestation syndicale du 1er mai 2018 directement mise à mal par les black blocs. 1 200 personnes, selon la police, habillées en tenue de membres du GIGN (alors qu’il n’est pas permis aux particuliers de se masquer le visage sur la voie publique) prennent le contrôle de la manif, attaquent violemment un restaurant McDo, détruisent des voitures, conduisent la préfecture à demander aux syndicats de prendre un autre itinéraire. Immédiatement Marine Le Pen demande la dissolution de ces groupes violents d’extrême gauche. (Faut-il dissoudre aussi les groupes identitaires qui s’exhibent depuis quelque temps dans de nombreuses actions publiques, soutenus par Marine Le Pen ?) C’est pourquoi je dis que ces actions menacent le droit de manifester, car l’image massive qui en est donnée dans les journaux télévisés (malgré l’honnêteté du journal de la 2) masque quasi totalement les raisons syndicales des manifs.

Bien sûr la droite vilipende le gouvernement qui n’a pas su maintenir l’ordre. Je ne suis pas sûr. Il me semble que dans la phase actuelle, un mort tué par les forces de l’ordre qui que ce soit, où que ce soit provoquerait, outre un mort, des troubles d’une ampleur considérable. Si les forces de l’ordre ont l’ordre de maintenir l’ordre sans faire de mort, j’approuve. En 68 à Paris le Premier ministre Pompidou et le préfet n’ont jamais donné l’ordre de tirer sur les manifestants. Au total les dommages ce 1er mai 2018, en dehors de leur caractère spectaculaire, n’ont fait que des dégâts modérés, aucun mort, quelques blessés très légèrement, pas énormément de dommages matériels.

Cela dit, qui sont ces black blocs ? J’ai lu les analyses très fines de l’édition électronique du journal Le Monde, j’ai entendu des entretiens avec des black blocs à la radio, lu l’entretien avec un black bloc dans Libé. Il semble, et j’en suis stupéfait, que tout ce cirque ne soit que de l’humour au second degré. Vous n’avez rien compris. Tout simplement des personnes très attachées à ce qu’elles considèrent être l’idéologie de mai 68 veulent faire revivre ces évènements de façon bon enfant humoristique au second degré pour réveiller de bons souvenirs dans les masses populaires et relancer les luttes ! Vous avez du mal à le croire, moi aussi, et pourtant… C’est pourquoi les black blocs du 1^er mai 2018 n’avaient pas de cocktails molotov, n’ont pas lancé de projectiles sur les CRS. La destruction du McDo était purement parodique, cette enseigne étant prise de façon humoristique comme symbole du capitalisme. Franchement, si vous n’avez pas compris que c’était de l’humour parodique bon enfant…

Lemonde.fr retrace l’histoire du schwarzer Block né en Allemagne à la fin des années 1980 et développe la thèse selon laquelle il s’agit d’une tactique de lutte plus que d’une idéologie ou d’un mouvement structuré, que les participants viennent de l’extrême gauche et que les actions sont orientées plutôt du côté de l’extrême gauche. Leur objectif est de « rendre l’insurrection irréversible. » Selon eux, « casser c’est récupérer l’argent que les multinationales volent au peuple, en obligeant les assurances à payer. » Les actions visent à diffuser, grâce à la couverture des médias, « une critique radicale du capitalisme et de l’État libéral. »

Vous, je ne sais pas, mais moi je suis totalement insensible à ce genre d’humour, et je n’admets même pas que ce soit de l’humour ! Prétexte à répression, brouillage total de l’action syndicale, oui. Humour peut-être mais cela ne me fait absolument pas rire. Quant à rendre l’action irréversible par des actions exemplaires minoritaires violentes, c’est une théorie historiquement totalement obsolète, comme l’explique clairement Laurent Joffrin : « Les actions plaquées, violentes et minoritaires, destinées à éveiller la conscience des masses, ont été rejetées au sein du mouvement ouvrier il y a plus d’un siècle. Appliquées aujourd’hui, elles ne servent qu’à justifier les actions de la police, à renforcer la droite et à gêner le mouvement syndical. »

Vous trouverez sous le lien

https://fr.wikipedia.org/wiki/Black_Bloc

une description historique plus complète des actions des black blocs. De façon générale les actions s’accompagnent de dégradations de lieux symboliques du capitalisme, destructions qui peuvent prendre une grande ampleur dans certaines villes visées. Mais les seules destructions, si j’ose dire, sont des destructions de symboles du capitalisme : banques, magasins de voitures de luxe, McDo pris pour symbole.

Plaisir partagé

* Film, Le fils unique, Ozu, 1936. Magnifique mais poignant. Curiosité : qui saurait me dire pourquoi le gospel devenu en France le chant de colonies de vacances « Ils ne sont plus les beaux jours de l’amitié… Eho vieux Joe. » est leitmotiv de ce film japonais ?

* Président des riches. En quoi est-ce un plaisir d’en parler ? Parce que cela tourne à la caricature. Les conseillers du président ont pris au sérieux l’expression « président des riches » et s’ingénient à l’illustrer. Le président Macron vient de supprimer l’exit tax, créée par le gauchiste dangereux Sarkozy. On supprime la taxe sur les plus-values des capitaux que leurs propriétaires préfèrent placer à l’étranger. (Wikipédia : imposition des plus-values de cession de titres détenus par des ex-résidents français qui ont quitté la France.) Président des riches ? Pas du tout. C’est juste que plus, en France, les capitaux seront libres, plus les détenteurs de capitaux investiront en France. Ah bon, s’il le dit ! C’est comme la suppression de l’impôt sur la fortune : il est évident que, alors qu’absolument rien ne les y oblige, les personnes qui ne seront plus assujetties à cet impôt investiront cette somme dans l’économie française.

Pour une fois, une bonne nouvelle pour la planète

Source Le Monde avril 2018

Dans les instances de l’Union Européenne, à la majorité qualifiée, trois insecticides néonicotinoïdes « tueurs d’abeilles » viennent d’être interdits pour les cultures en plein champ. Ils sont autorisés sous serre, mais je ne pense pas que cela gêne vraiment les abeilles. Il s’agit d’une décision historique pour l’UE déclare une ONG, qui souligne cependant que de nombreux néonicotinoïdes dangereux sont encore autorisés. Évidemment cette interdiction a été très énergiquement combattue par de nombreux lobbys représentant les producteurs de ces substances et les producteurs de betteraves. L’article n’explique pas pourquoi, cette fois, les pressions ont échoué. L’Autorité européenne de sécurité des aliments, pourtant « considérée » (par qui ?) comme proche des intérêts des industriels est parvenue à la conclusion que les néonicotinoïdes sont très toxiques pour les abeilles mellifères, les abeilles solitaires et les bourdons. Remarquons cependant que seuls trois néonicotinoïdes sont interdits, alors que le plus utilisé, le glyphosate, reste autorisé. Allez comprendre ! Rappelons qu’une étude publiée en 2017 dans Plos suggérait (que veut dire le journal Le Monde en employant ce mot « suggérer », guère rigoureux ?) que les populations d’insectes sont en chute de 80 % en moins de trente ans en Europe .

Il n’y a pas que de bonnes nouvelles : ce 4 mai est le jour du basculement. Si tous les habitants de la planète consommaient comme les habitants de la France, nous aurios ce 4 mai déjà consommé la totalité des ressources de la planète pour l’année entière.

Un peu de sciences, parcours de la revue La Recherche mai 2018

Les caractères en italiques ne sont pas des citations, mais résument le sens du texte.

Malaria (paludisme)

Un anticorps humain efficace contre le parasite le plus dangereux de la malaria chez les souris a été découvert. (Selon l’OMS, 445 000 victimes humaines en 2016.) Cette étude doit se poursuivre sur des humains et pourrait conduire soit à disposer d’un traitement préventif soir à mettre au point un vaccin. Dans une lettre précédente j’indiquais que les investissements de l’industrie pharmaceutique pour développer des médicaments contre le palu sont très insuffisants par rapport aux objectifs de l’OMS. La recherche fondamentale, elle, ne renonce pas.

Biodiversité

Selon la plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques (129 États membres) d’ici à 2050 38 % à 46 % des espèces animales et végétales pourraient disparaitre. Ces résultats sont le fruit de trois ans de travail de 550 chercheurs. Dans son orgueil démesuré, l’espèce humaine est convaincue qu’elle ne disparaitra pas. Le progrès y veillera ! Mais bon, outre que cette non-disparition n’est pas certaine, comment vivre sur une planète morte ? Des solutions existent. En Europe une gestion durable des pêches a conduit à une augmentation du stock de certains poissons. L’article ne dit pas lesquels. Il me semble que le saumon reste en considérable surpêche. Selon la chercheuse Sandra Lavorel l’artificialisation des sols et l’agriculture intensive ont des impacts très négatifs sur les populations d’insectes et d’oiseaux. Et selon le rapport 2015 de l’organisation des nations unies pour l’alimentation et l’agriculture, ce n’est pas l’agriculture intensive qui nourrira la population mondiale mais l’agriculture familiale de proximité, c’est-à-dire des cultures qui utilisent moins d’intrants. C’est tout simple ! Comment en convaincre l’Union Européenne et la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles ? Premier problème : comment reconstituer une agriculture familiale dans un mode de production quasi-totalement industrialisé ?

Dans le monde entier il reste en tout et pour tout deux rhinocéros blancs. Des femelles.

Droit à l’oubli

Un article de Serge Abiteboul. L’Union Européenne considère qu’une personne peut exiger la suppression d’une information, par exemple d’une photo où l’on voit la personne voit fumer une substance illicite. (Je cite Abiteboul. Je n’ai pas cherché à quels textes précis il fait allusion.) L’auteur souligne la quasi-impossibilité pratique de supprimer une information sur l’ensemble de l’internet. De plus le droit à l’oubli a des limites : il peut entrer en conflit avec d’autres droits comme le droit à l’information ou à la liberté d’expression. Personnellement je suis très réticent devant un droit à l’oubli trop étendu. Pourrait-on ainsi gommer des pans entiers de son histoire lorsque celle-ci ne vous arrange plus ? Je n’en ai jamais fait mystère : lorsque j’étais étudiant j’étais maoïste, ultra-dogmatique. Certes, je n’ai pas eu, comme d’autres camarades, un rôle tel que mon nom soit resté célèbre. Mais je trouverais tout à fait choquant d’avoir le droit de demander la suppression de toutes les références à ce passé. Certes cela arrive parfois. Il y a eu après la guerre d’Algérie une amnistie très large, pour des raisons justifiables de réconciliation. Mais du coup cela risque de gommer le droit de faire référence à des atrocités commises de part et d’autre. Droit à l’oubli, peut-être, droit de gommer ce qui vous dérange dans votre passé, non.

Énigme

Je vous ai déjà soumis des énigmes proposées par la revue. Elles sont souvent trop difficiles pour moi, et je dois attendre la solution qui parait le mois suivant pour vous la donner. Ce mois-ci : en se regardant dans deux miroirs formant un angle droit combien peut-on voir d’images de soi ? J’ai trouvé une solution, mais j’attends prudemment le mois prochain…

Planète Mars

21 pages de la revue sont consacrées aux découvertes récentes à propos de la planète Mars. Pourquoi tant d’intérêt pour cette planète ? Parce qu’elle est proche et donc plus facile à analyser que d’autres ? On a établi qu’elle a abrité il y a quatre milliards d’années des conditions propices à la vie. Des conditions. Comment s’est-elle transformée en désert glacé ? On envoie prochainement sur Mars un outil d’exploration, Insgiht, qui comporte entre autres instruments un sismomètre très sensible, pour tenter d’apporter des réponses. Et les scientifiques se préparent déjà à la prochaine étape d’exploration, chercher des traces de vie passée.

Algorithmes et libertés

Reçu d’un membre de la Ligue des Droits de l’Homme

Deux petits articles intéressants sur le pouvoir que prennent les algorithmes dans nos vies.

Le premier est sur l’algorithme qui aurait écourté la vie de plusieurs dizaines d’anglaises en décidant de ne pas les convoquer à un dépistage du cancer du sein. JM B : Depuis 2009 450 000 femmes qui auraient dû être convoquées ne l’ont pas été. Les données sont en cours d’analyse, mais on estime que 270 femmes en sont mortes prématurément. Remarque : ce n’est pas par machisme que l’on ne parle ici que des femmes.

Le deuxième sur celui qui est utilisé par la justice américaine pour décider du risque de récidive d’un prévenu. (on en a déjà parlé un peu l’année dernière mais vous n’étiez peut-être pas au courant)

https://www.sciencesetavenir.fr/sante/gb-une-erreur-dans-le-depistage-du-cancer-du-sein-aurait-ecourte-270-vies_12361

https://www.lebigdata.fr/compas-algorithme-prison-0305

Dans les deux cas l’algorithme est bien sûr non consultable par les citoyens…

Il serait très important pour la démocratie que les codes des algorithmes soient accessibles aux citoyens : logiciels libres, open source… Les textes pris sous Hollande par l’excellente secrétaire d’État Axelle Lemaire allaient dans ce sens pour les logiciels employés par l’administration, même si certaines administrations rechignent à les appliquer. Il n’en est bien sûr pas question pour les entreprises privées, qui mettent en avant le secret des affaires. Nous ne sommes pas près d’avoir accès aux logiciels qui déterminent ce que Google classe en numéro 1 d’une recherche. Je vous ai souvent conseillé d’utiliser le moteur de recherche Qwant et non Google, mais je crois que chacun est fort attaché à ses habitudes. Je peux tout à fait comprendre que vous préfériez être massivement fichés par Google et vos données revendues.

Remarque : l’excellente Axelle Lemaire était secrétaire d’État auprès du ministre Macron. Celui-ci a toujours considéré qu’elle lui faisait de l’ombre. Seule une partie de ce qu’elle souhaitait faire a été réalisée. Et après, on ne lui a rien proposé dans le nouveau gouvernement. Minable.

Fausses nouvelles, fake news, intox

Toutes des fausses nouvelles ont des effets terribles : détruire la réputation de personnes, faire des « coups » politiques aussi condamnables qu’efficaces, attirer les victimes dans des pièges financiers… C’est ainsi que ces jours-ci les réseaux bruissaient des effets d’une plante dont l’efficacité dans la lutte contre le cancer est bien supérieure à celle de la chimiothérapie. Je n’ai pas approfondi, je suppose que cette plante est vendue très cher sur certains sites. Le problème est que de tels articles s’inscrivent toujours « courageusement » contre la chape de plomb de la médecine officielle et les profits des labos, sans qu’aucune étude ne montre une quelconque efficacité de leur produit. Si le produit est inefficace ce n’est pas grave (sauf si vous l’avez payé très cher) mais si, sous l’effet d’un conseiller antimédecine officielle vous renoncez à votre traitement « classique » cela frise l’assassinat.

Un groupe de journalistes a fondé le site decodex.

http://www.lemonde.fr/verification/

Quelle garantie ? L’effort de sérieux que font les journalistes professionnels sérieux qui analysent les informations.

De toute façon, pour se faire une opinion en cas de doute sur une info, quel risque y a-t-il à consulter decodex pour se former une opinion ?

Exemple d’article du decodex :

Non, le corossol n’est pas un « fruit miracle » pour lutter contre le cancer

Des articles qui circulent régulièrement sur les réseaux sociaux affirment sans fondement que ce fruit serait « 100 fois plus fort » que la chimiothérapie. Suite sur le site.

Un autre ensemble d’articles bien intéressant et montrant le sérieux du travail

http://factoscope2017.blog.lemonde.fr/2018/04/13/le-recap-du-vrai-et-du-faux-de-la-semaine-8/

Fin de la lettre du 4 mai 2018