[alerte] - JM Bérard - 7 février 2014

Sommaire

Quelques unes de vos réactions sur les lettres [alerte]

Penser global, agir local

Lutte des classes, droite et gauche, c'est du passé !

Comment fonctionne la lettre [alerte]?

Le recul ?

La politique est un métier : secret state

* Entendu sur France inter, émission pour les enfants « Maman les p'tits bateaux », bonne émission de vulgarisation scientifique le dimanche soir. « Pourquoi les japonais rêvent-ils tous d'être cheval ? Parce qu'ils sont déjà poneys. » (Bon bon ne cherchez pas, il n'y a aucun sous‑entendu pour ou contre les japonais, ni aucune notion scientifique, c'est juste un jeu de mots.

* L'utopie c'est ce qui  n'a pas encore été essayé. Théodore Monod. Oui, ces formules brillantes frappent. C'est bien pour dîner en ville. Mais je demande à y réfléchir un peu. La barbarie, c'est ce qui n'a pas encore été essayé ? L'utopie, c'est ce que nous avons été empêchés d'essayer ?

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Quelques unes de vos réactions sur les lettres [alerte]

des 24, 29 et 31 janvier 2014

Vous pouvez trouver les lettres [ alerte] sur http://alerte.entre-soi.info/ Je ne verrais que des avantages à ce que vous fassiez connaître ce lien dans vos propres publications. Je crois que les moteurs de recherche trouvent plus facilement les sites qui sont cités dans d'autres sites. Si six scies scient six scies, six cent six scies scient six cent six scies.

J'ai eu un doute, j'ai vérifié :il n'y a pas de s à cent lorsqu'on écrit six cent six. Six cents, six cent six. Etonnant, non ?

L'aigle noir, chanson de Barbara qui évoque sans doute les agressions dont elle a été victime de la part de son père. J'ai peut-être eu tort d'aborder ce sujet. C'est difficilement affrontable.

Message important d'une amie pédiatre : Il me semble que le plus important est que les enfants sachent absolument que l'autorité de l'adulte ( dont on parle tant actuellement ) s'arrête au respect et au non-abus de pouvoir, ce qu'il faut expliquer et réexpliquer à chaque enfant avec des mots simples mais très clairs ; et que rien ne doit empêcher sa parole , y compris quand il est à la fois séduit et apeuré par la demande de secret .

Apparemment sans rapport : plus j'y pense, plus je suis contre le droit des parents de ne pas envoyer leurs enfants à l'école en leur dispensant l'éducation à la maison.

La poule et l'œuf : l'une de vous m'a envoyé la photo d'un œuf, avec le code 1FR imprimé sur la coquille. Conclusion : certains lecteurs de alerte ont dans leur frigo des œufs de poules élevées en plein air en France (1FR) mais pas bio (0FR). Tant pis, il n'y a pas de condition pour être abonné à cette liste [alerte], donc pas de représailles. D'autant moins que je ne peux décemment pas me priver de l'une de mes plus fidèles lectrices.

Jacques Arsac : l'hommage que j'ai consacré à Arsac dans la lettre du 24 janvier paraîtra dans la revue Epinet http://epi.asso.fr/revue/articles/a1402f.htm
et dans la revue de l'Association Professionnelle des inspecteurs généraux, car Arsac, outre ses fonctions universitaires, a été chargé de mission d'inspection générale pour l'option informatique. Je suis heureux d'avoir pu ainsi rendre hommage à son travail.

La rumeur

Reçu de l'une de vous :

Vous évoquez la question de la rumeur, si ancienne, si opérante, si impossible à casser. Le numérique ne peut que lui donner de meilleurs moyens pour se répandre et se faire accepter.  Il n'y a pas à s'en réjouir ! Et comment s'en prémunir ? Je ne suis pas certaine que l'éducation suffise. Peut-être faudrait-il accepter de combattre le mal par le mal et de  lancer des contre rumeurs aussi imbéciles ? Bon, je ne suis pas très fière de cette suggestion… Cela m'évoque la question des « avis » donnés en ligne sur tel praticien (situation véridique) : se voyant accusé de mauvais diagnostics et de traitements inefficaces il a commencé par se défendre en répondant point par point aux arguments et allégations fausses, piètre défense…. Il a fini par inventer plein de faux clients tous plus heureux de l'avoir connu et enthousiasmés par ses soins. A menteur, menteur et demi. Où va-t-on ?

Bien sûr, vous le dites vous-même, cette tactique est bien risquée, et va sans doute à l'encontre de ce que nous souhaitons. C'est ce qui conduit le président des États Unis d'Amérique à mettre en place des mesures d'espionnage liberticides pour défendre les libertés... Mais cela dit, les marges de manœuvre sont faibles.

Concomitance et causalité

J'évoquais à propos des données massives la déroute intellectuelle qui consiste à penser que parce que des événements se produisent très souvent en même temps on pourrait en déduire que l'un est la cause de l'autre. Ces modes de « raisonnement » se répandent hélas massivement avec le traitement des données de masse.

Exemple : la maîtrise de la lecture est bien meilleure chez les enfants qui disposent à la maison d'une douche ou d'une salle de bains. Pourquoi se préoccuper de former les enseignants pour une meilleure réussite des élèves ? Il suffit d'améliorer le confort de l'habitat. Évidemment, dit comme cela, on voit bien que c'est absurde, tout comme les cigognes. Mais regardez bien : vous verrez que ce mode de « raisonnement » s'introduit un peu partout. Ce serait d'ailleurs un petit jeu intéressant d'en débusquer les occurrences. Je suis preneur de vos envois.

Web sémantique : la déroute de la raison, le triomphe de l'opinion

J'ai constaté que, en parlant du web sémantique dans le numéro hors série du 29 janvier 2014, je n'ai pas poussé au bout les conséquences de ce que je disais.

Le web sémantique, le Google du futur que l'on nous annonce (je ne sais pas, il en existe peut-être déjà, si oui merci de me le signaler) va tenter de s'attacher au « sens » de ce que nous lui demandons. Inévitablement, ce sera tellement commode, les logiciels se serviront pour cela des corrélations observées grâce aux traitements des données de masse. On arrivera ainsi à une capitulation totale de la pensée, où l'opinion la plus répandue, l'idéologie dominante, l'évidence du bon sens deviendront ce qui fait sens. Si une grande majorité d'internautes, par leurs questions, leurs centres d'intérêt, leurs échanges produisent des données qui permettent de conclure qu'ils pensent que le Soleil tourne autour de la Terre, cela deviendra la vérité du web sémantique. La connaissance scientifique est pourtant, a priori, opposée au sens commun. (Il est bien évident que le Soleil tourne autour de la Terre, on voit cela chaque matin.) Je ne crois pas du tout exagérer : avec ce type de traitements informatisés nous allons vers une déstructuration totale de la pensée rationnelle. Et, en dehors même des connaissances scientifiques, nous allons vers une société où l'avis du plus grand nombre dira la Vérité sur la société, les relations entre les gens et ce qu'il « faut » penser. Le pire est que cette pensée ne sera pas imposée par une dictature explicite (Pol Pot...) que l'on perçoit et contre laquelle on peut se révolter, mais par un consensus mou, gluant et pervers. C'est tellement rassurant d'être de l'avis du plus grand nombre.

Pour vous rassurer : le logiciel de recherche sémantique Evi remplace « true knowledge », pionnier, je crois, de la recherche sémantique ? Je lui ai demandé, dans mon mauvais anglais, « Dieu existe-t-il », « le soleil tourne-t-il autour de la terre », et il m'a répondu « je n'ai pas encore les réponses à ces questions ». Pas encore... Revenons au réel, il m'a dit aussi que j'aurais de meilleures réponses si je posais les questions à partir d'un téléphone mobile au lieu d'un ordinateur... Relativité de la Vérité.

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Travaux pratiques

Publié sur Rue 89 le 04 02 2014

C'est dans un article où l'on voit Christine Boutin prendre au sérieux un titre du site Garofi, qui se présente pourtant explicitement et clairement comme un site ne donnant que de fausses nouvelles.

« Heureusement que Christine Boutin n'est pas journaliste. [...]. Déjà en 2007, on avait pu la voir accréditer la thèse selon laquelle Bush serait à l'origine des attentats du 11 Septembre et ce en avançant de drôles d'arguments :

http://blogs.rue89.nouvelobs.com/mon-oeil/11-septembre-boutin-icone-des-complotistes

« Je pense que c'est possible. Et je le pense d'autant plus que je sais que les sites qui parlent de ces problèmes sont des sites qui ont le plus (fort) taux de visite. Moi qui suis très sensibilisée (elle ne dit pas « compétente », elle dit « sensibilisée », c'est un mot qui est forcément vrai car on ne peut pas prouver le contraire) au problème des nouvelles techniques de l'information et de la communication, je me dis que cette expression de la masse, et du peuple, ne peut pas être sans aucune vérité. »

Voilà. Je ne rêve pas. L'expression de la masse ne peut être sans aucune vérité ! Voyez le subtil glissement sémantique de « la masse » vers « le peuple ». C'est toute la question.

C. Boutin est ancienne ministre et chevalier de la légion d'honneur. Elle ne dit donc pas n'importe quoi.
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Et encore

Ne soyez pas déçus, vous m'avez écrit, je n'ai pas repris vos messages dans la liste ci‑dessus. Mais j'ai lu attentivement et en ai fait mon miel. Une autre fois...

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Penser global, agir local

C'est un peu un leitmotiv de cette lettre, leitmotiv un peu négatif : les contraintes globales (économiques, sociales) sont telles que les marges d'action et de respiration pour l'action politique globale sont faibles.

D'où la confiance que je porte à l'analyse « penser global, agir local ». Penser global, tenir compte des analyses systémiques, des rapports de force, ne pas prendre comme hypothèse que chacun est dans son coin, en autarcie économique et sociale. Mais agir local, car ce sont toutes ces pratiques locales qui créent en ce moment une vie sociale et préparent l'avenir.

J'étais dimanche 2 février 2014 à la journée de rencontre organisée par l'association « Objectif Terre 77 ». Rencontres entre les personnes, concerts donnés par des artistes habitués de ce type d'échanges, expression corporelle (danse, qi qong), repas où chacun apporte quelque chose qui sera mangé ensemble, et surtout partage d'expériences entre diverses associations de la Seine et Marne. Doux rêveurs ? C'est ce que j'aurais pensé il y a quelques années. Cela ne changera pas le système ? Certes, mais cela change localement les choses, et surtout sème les graines de l'avenir.

Des exemples :

* Les colibris, coopérer pour changer : comprendre, changer, agir ensemble. Monter un habitat groupé. Projet en cours : trouver des financements et concevoir un habitat groupé, avec des lieux de vie individuels ou familiaux (ce n'est pas un projet de vie en communauté) et des lieux de vie partagés ou collectifs : chambres d'amis, salles de réunions et d'activités culturelles, matériel collectif (cuisine, lessive), mutualisation de la garde des enfants, mutualisation de certains achats. Le projet vise bien sûr à construire réellement cet espace de vie, mais en s'appuyant sur tout le travail préparatoire qui aura eu lieu pour penser les modalités d'un partage. La phase de conception est longue, car elle crée les liens qui permettront au groupe de penser sa vie : constitution du groupe, élaboration du pré-programme architectural, montage juridique et financier, recherche du site, conception, construction.

* Tout simplement : vers la simplicité volontaire. Penser nos choix de consommation et de non-consommation, développer la solidarité et le partage, vivre mieux. Exemples : éviter le gaspillage, économiser l'eau, se déplacer autrement (marche à pied, covoiturage...), économiser les énergies.

* Cour commune : espace de partage culturel. Réseau d'associations et d'acteurs participant à la vitalité culturelle du sud du département de la Seine et Marne.

*Objectif Terre 77 : organise des formations, des rencontres et des événements dans les domaines agricole, corporel et artistique pour nourrir l'être humain dans toutes ses dimensions. Qi qong, festival Musique et danse dans les fermes du sud de la Seine et Marne, cycle de jardinage familial, organisation de spectacles et d'événements festifs en musique, danse, théâtre pour partager les joies de l'interprétation, de la création et/ou de la contemplation d'une œuvre.

* Système d'échange local, SEL : rassemble des personnes proches géographiquement pour échanger des biens, des services, des savoirs sans recours au système monétaire classique. Cela ne concurrence pas l'artisanat constitué : c'est un échange de coups de main, de services entre voisins. Changer un joint de robinet, donner un cours de math occasionnel à un élève qui a mal compris telle notion, donner un coup de main pour le jardinage, la couture, l'installation d'un ordinateur. Ces échanges s'inscrivent dans un système social : les contrats ne sont pas « deux à deux » mais sont matérialisés par une monnaie purement fictive, la goutte d'eau, l'idée étant que, à terme, on apporte autant que l'on reçoit.

Doux rêveurs ? Après cette journée passée ensemble, je vous l'assure, pas du tout. Nostalgiques de l'autarcie et du retour au village qui subvenait à ses besoins sans relation avec l'extérieur ? Pas du tout.

Personnellement, quoi que enthousiasmé, je suis peu engagé dans ce type de pratiques. (si l'on excepte la rédaction de la lettre [alerte] ! ) J'ai déjà publié dans cette lettre des articles sur les associations pour le maintien de l'agriculture paysanne, en particulier celle, remarquable, de St Denis dans le 9-3, ou sur les associations culturelles des villages de St jean d'Arves ou de Fontcouverte en Savoie, ou encore sur un projet d'habitat collectif près de Rennes. J'aimerais bien, si vous m'envoyez d'autres exemples, les publier dans cette lettre.

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Lutte des classes, droite et gauche, c'est du passé !

Certains de vous me le disent souvent, et me reprochent de garder dans ma lettre des « restes de lutte des classes » alors que, c'est bien connu, en 2014 les classes n'existent plus. Forcément : il n'y a plus en France de classe ouvrière dans la production industrielle, les ouvriers ne sont plus chez nous mais en Asie ou dans les autres pays à bas coût de main d'œuvre... Chez nous il y a les chômeurs et les robots. Les lecteurs de [alerte], inquiets : comment toi, qui es pondéré et sensé, peux-tu encore soutenir ces vieilles lunes marxistes ? Je ne sais pas pourquoi, j'ai l'impression que ce « compliment » a quelque chose qui ne va pas, in cauda venenum.

Sérieusement, je pense que, en particulier sur les plans économique et financier, la droite et la gauche existent. Au fil du temps, en particulier depuis la chute du mur de Berlin et l'effondrement du système soviétique, la répartition des fruits du travail entre le capital et le travail se déplace, mondialement, au profit du capital. C'est d'ailleurs ce qui rend le système totalement non viable : on ne peut miser sur une croissance permanente dans un système qui a des limites et n'est pas infini. Et l'on ne peut miser sur la croissance dans un système qui, pour survivre, a besoin de payer très peu les travailleurs-consommateurs ou encore de les mettre au chômage, ce qui fait qu'ils ne peuvent plus consommer.

Cela étant dit, le système est à bout, le colosse financier a des pieds d'argile, mais c'est comme un paquebot courant sur son erre : cela dure, et cause pas mal de souffrances.

Un extrait du journal en ligne Mediapart, le 25 1 2014 :

La crise économique a provoqué un accroissement des inégalités entre les revenus et les patrimoines des premiers et derniers déciles de la population française, selon l'étude publiée, mardi 21 janvier 2014, par l'Observatoire des inégalités.

Selon l'Observatoire, les 10 % les plus pauvres ont perdu 180 millions d'euros de revenus entre 2008 et 2011, la masse globale reculant de 49,70 à 49,55 milliards d'euros, alors que les 10 % les plus riches ont vu leurs revenus augmenter de 24 milliards d'euros sur la même période, la masse globale étant passée de 335,6 à 359,6 milliards d'euros.

Lire le rapport sur

Pendant la crise les plus riches s'enrichissent

J'entends d'ici certains de vous : arrête tes propos de haine, la société ne fonctionnera que si tout le monde vit dans une bonne entente au lieu de lutter les uns contre les autres et de jalouser son voisin. Je suis peut-être prêt à vous entendre, si vous me donnez des arguments précis, par exemple pour répondre à ce rapport. Ce n'est pas de « l'idéologie », le rapport est fondé sur des études : les « riches » sont plus riches, les « pauvres » sont plus pauvres. Si vous voulez me montrer qu'il n'y a plus de contradiction de classes il faut que vous fassiez l'effort de contester ce rapport, et d'autres, avec des arguments sérieux.

En revanche, il me semble que les politiques centralisées de droite ou de gauche ont du plomb dans l'aile : je crains bien que les marges globales de manœuvre, d'évolution et de respiration ne soient totalement inexistantes. Restent les gouttes d'eau, voir l'article « penser global, agir local ».

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Comment fonctionne la lettre [alerte]?

Je rencontre certains de vous, dans la rue, dans les réunions militantes, au bal du foyer rural ou dans des retrouvailles périodiques amicales au restaurant. On me dit « je lis ta lettre, mais je ne te réponds pas. » Je n'attends pas particulièrement de « réponse » : j'écoute la radio, je lis des journaux, des livres, des sites d'information, j'échange avec beaucoup de vous, et j'écris. La lettre est envoyée lors de chaque parution à 300 personnes, et consultée sur le site par 3 000 accès chaque mois. Cela ne dit absolument rien sur le nombre de personnes qui lisent vraiment. En tout cas, moi, j'aime travailler à cette lettre.

Vos réactions me sont précieuses : elles apportent à la lettre des informations que je n'ai pas, elles élargissent le débat au delà du cercle parfois trop restreint de ce que j'écris, en somme vos réactions rendent la lettre beaucoup plus intéressante.

Elles stimulent aussi ma réflexion sur des points auxquels je n'aurais pas pensé, dernier en date : le principe de précaution.

Comme vous l'avez vu, la lettre n'est pas un organe de Vérité, car de nos jours, la Vérité... Rigueur de réflexion, j'essaie, oui. Mais je serais bien embarrassé si vous me demandez pour qui voter ou ce qu'il faudra instaurer comme société après la Révolution, ou encore comment faire la Révolution.

Je suis souvent touché par vos réactions, par exemple sur l'euthanasie, question quiconcerne chacun de nous, ou sur les messages que j'ai reçus suite à mes remarques sur les agressions sexuelles en famille.Je suis parfois un peu lassé : si vous voulez dire que la gauche, la droite et la lutte des classes n'existent plus, il faudrait que vous fassiez l'effort d'argumenter un peu, voir article lutte des classes du présent numéro. Je suis parfois frustré : mon hypothèse est que l'avenir repose sur les initiatives de base, genre colibris ou amap. Mais je n'en ai que peu de pratique personnelle et j'aimerais plus d'exemples de votre part. Je suis parfois perplexe : j'écris une longue lettre, et l'une de vous me dit souvent : « c'est intéressant, il faudrait que tu écrives un article. »Zut alors, je pensais que ce que j'avais écrit était un article ! Reste après à définir le niveau. Ce que j'écris n'est pas travaillé comme une thèse universitaire, et ne franchirait pas le cap des revues à comité de rédaction. C'est, disons, une réflexion en cours. Peut-être « tu devrais écrire un article » signifie « c'est un peu léger, il faut approfondir » ? Bon, alors je m'y mets. Je ne sais pas si « c'est intéressant, il faudrait écrire un article » est vraiment un compliment, mais cela stimule. Je m'y mets.

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Le recul ?

Sans trop y croire j'avais dans une lettre précédente avancé l'idée que le président serait plus libre pour les réformes sociétales maintenant qu'il assume clairement, sans contorsions sémantiques, une politique économique d'habitude considérée comme de droite (politique de l'offre).

Que nenni : grandes manifestations de rue, donc report de l'examen de la loi sur la famille.

J'ai lu les commentaires : on ne peut pas changer de force les mentalités, ces questions touchent au plus profond de chacun de nous, ne pensons pas, comme Mao et Pol Pot, que les conceptions du monde peuvent se changer par la force.

J'ai été impressionné, puis ai constaté que l'argument ne tient pas tout à fait.

Il y a des époques où les esprits sont murs pour les changements, mais il n'y a jamais consensus total, il faut toujours une affirmation, un coup de pouce, et il y a toujours des débats. Voir les débats sur la contraception, voir les débats violents sur l'interruption volontaire de grossesse, projet initié par le président de droite Giscard d'Estaing. Voir la suppression de la peine de mort, promise par Mitterrand alors qu'il n'était pas encore élu. Les évolutions ne vont pas de soi.

De plus, malheureusement, le président ne recule pas seulement sur les grandes questions de société. La taxe « écotaxe » avait été mise en place par Sarkozy et adoptée à l'unanimité. Quelques manifestations violentes ont suffi pour que le gouvernement la reporte. Ce n'était pourtant pas une grande question d'éthique. Enfin, peut-être que si. La question était : sommes-nous dans une société solidaire, où l'impôt est un signe de la solidarité, ou dans une société du chacun pour soi ?

La politique, m'a-t-on dit récemment, est un métier. Il est vrai que je ne sais pas du tout faire ce métier là, je n'ai pas réussi dans mes modestes tentatives, mais je ne crois pas que j'aimerais la politique en tant que métier.

La politique, dit-on aussi, est l'art de rechercher des compromis. Mais peut-on trouver des compromis en retirant les projets avant même d'avoir discuté ? C'est un pari : je calme le jeu sur un front pour pouvoir agir sur d'autres. Mais ce n'est qu'un pari : ne risque-t-on pas ainsi de se condamner à l'immobilisme et à ne plus pouvoir agir sur rien ? C'est un pari, seul le résultat dira s'il est gagné ou non. Pour ma part, j'ai des doutes. Il y a je crois un proverbe en Afrique du Nord qui dit « le non, tu l'as déjà. »

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La politique est un métier : secret state

Je vous ai déjà parlé de l'indispensable film « L'exercice de l'État », Pierre Schoeller 2011, disponible en DVD et Blue Ray.

Je vous ai déjà parlé de la série Borgen, qui décrit de façon me semble-t-il assez pertinente le fonctionnement de l'appareil d'état, en l'occurrence au Danemark. On en est déjà à la série 2.

Hier 6 février 2014 sur Arte : Secret State, minisérie en quatre épisodes. J'ai la sensation que c'est, hélas, assez réaliste, et bien inquiétant. (Quoique... Le Premier Ministre anglais n'est-il pas un peu naïf ? La réalité n'est-elle pas encore plus inquiétante ?) Quatre épisodes le 6 février 2014. On peut regarder sur Arte+7)

Les quatre épisodes ont pour surtitre « saison 1 ». Peut-être y aura-t-il une suite ? Mais après tout, quelle importance ?

Extrait du site figaro.fr : Il est des pépites à ne pas rater. Ainsi Secret State, minisérie britannique en quatre épisodes tous diffusés ce soir sur Arte, parabole magnifique de la faiblesse de la démocratie face au pouvoir et à l'influence de l'argent. Avec Gabriel Byrne dans le rôle principal.

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La diffusion de ces textes est libre, à condition de citer l'auteur JM Bérard et la date.

Documents alerte : vous savez que je dépose dans un nuage Google un ensemble de documents, avec pour seul critère qu'ils me semblent intéressants et que je souhaite les partager. Il vous suffit de cliquer sur le lien documents [alerte] puis de faire un simple clic (simple clic) sur l'icône du document qui vous intéresse. Aucun mode d'emploi à apprendre, aucun identifiant, mot de passe... c'est tout simple.

Vous pouvez recevoir cette lettre par liste de diffusion, en me demandant à

jean-michel.berard  xx orange.fr

Je ne verrais que des avantages à ce que vous citiez ce lien dans vos propres publications, il paraît que du coup les moteurs de recherche trouvent plus facilement.

Fin de la lettre du 2014 27 / 7février 2014