[alerte] N° 69 - JM Bérard - 30 août 2011

Sommaire du numéro 69

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* Perplexité et handicap

* Ce que parler veut dire

* La crise des ânes

* Vérité ?

* Vulgarisation scientifique

* Crise

* Apprentissage


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Lorsque le doigt montre la lune, le citoyen d'aujourd'hui regarde la télévision.

(Un humoriste, sur la fort intéressante radio Radio France Internationale, 89,0 en région parisienne)

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* Perplexité et handicap

Je vous fais part de mes doutes, espérant, comme pour l'euthanasie, des réactions de votre part.

« Oscar Pistorius, amputé des deux jambes, s'est qualifié dimanche 28 août pour les demi-finales du 400 m des Mondiaux valides. Une grande première pour un athlète handicapé qui ne laisse personne indifférent. »

Le journal Le Monde, dans son éditorial (mazette, l'éditorial) s'enthousiasme : événement fondamental dans l'histoire de notre société, une personne porteuse d'un handicap a été admise à courir avec des valides, et a atteint une performance de niveau mondial. Quel progrès pour l'intégration.

J'ai quelques idées sur la question du handicap, mais cela nous entraînerait trop loin. Limitons-nous au cas de Pistorius.

Amputé des deux jambes lorsqu'il était bébé, Pistorius porte, à partir des genoux, des prothèses formées de lamelles métalliques élastiques. Je ne pense pas faire insulte à son handicap en pensant que la forme de ces lamelles métalliques n'est pas étrangère à sa performance.

Dans une compétition sportive, les personnes sont en principe à égalité. Hélas, les sommes extraordinaires mises en jeu font que, déjà, avec le dopage, cette égalité n'est pas réalisée.

Du temps de l'Union soviétique, pour certains sports, les dirigeants d'Allemagne de l'Est exigeaient que les compétitrices soient à un début de grossesse (cela favorisait je ne sais plus quelle hormone) et fassent une IVG après la compétition.

Tous les articles (qui ne sont plus de la science fiction) montre que l'on va de plus en plus rapidement développer des prothèses informatico-mécaniques qui auront des performances analogues ou supérieures aux organes qu'elles remplaceront.

On peut alors imaginer des scénarios de cauchemar ou l'appât du gain ou du pouvoir conduirait à fabriquer des compétiteurs munis de prothèses adaptées à l'enjeu. Amputer volontairement un homme des deux jambes pour lui permettre de courir plus vite...

Il me semble que le cas Psitorius crée un dangereux précédent.

Je vois bien le problème : peut-on au nom de « l'humanité » exclure les porteurs de handicaps des compétitions ? Peut-être imposer que le handicap n'ait aucun rapport avec la compétition : un aveugle pourrait courir le 100 m mais pas un amputé des deux jambes ? Je ne sais, je cherche.

Ce matin encore j'entendais à la radio qu'un homme, aux USA, a créé un « site de rencontres » pour les personnes aux capacités augmentées. Lui-même, qui a perdu un œil étant petit, s'est fait greffer une petite caméra à la place de l’œil, ce qui lui permet de filmer absolument tous ce qu'il regarde, à l'insu de ceux qui sont en face de lui.

Il prétend que c'est pour faire un documentaire contre la vidéo surveillance.

Il me semble que les perspectives offertes par ces évolutions qui relevaient il y a peu de la science fiction font que l'on ne doit pas se réjouir de la performance de Psitorius sans y réfléchir un peu.

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* Ce que parler veut dire

Je suis comme beaucoup de vous frappé par la « volonté » presque humaine que les journalistes de radio prêtent aux « marchés » : « Après avoir vainement tenté de rebondir ce matin, les marchés connaissent une nouvelle chute. ». Au demeurant, les causes de ces fluctuations ne sont que rarement analysées en termes économiques. Dans une situation analogue, les marchés plongent un jour, remontent un autre... « La bourse a connu aujourd'hui une consolidation ». Si j'ai bien compris cette phrase, cela veut dire que les baisses enregistrées les jours précédents se maintiennent. Mais au fond, j'ai tort de m'étonner. Il me semble que les mécanismes des marchés financiers sont tels que personne (gouvernement, spéculateurs, banquiers) ne les contrôle vraiment, et que tout se passe comme s'ils avaient une volonté propre. La mort de la politique, devenue spectatrice.

Le forum des Halles, à Paris est un immense trou de quatre étages de sous-sol, avec des commerces, des cinémas, des gares de trains et de métro. Il est actuellement, pour plusieurs années, en totale rénovation, opération au demeurant contestée par des associations de riverains ou d'écologistes. Quoiqu'il en soit, pour rénover, on ne démolit pas, cela ferait mauvais effet. (Et pourtant Mao Tse Toung disait : pour construire il faut d'abord détruire pour construire à nouveau sur de nouvelles bases.) Et bien non, au forum, on « déconstruit ». La « déconstruction » de tel pavillon durera deux ans...

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* La crise des ânes

Je suis très déçu car mon numéro hors série sur la crise des ânes m'a valu plus de lettres d'intérêt que les numéros habituels rédigés par moi...

De qui est ce texte ? Je ne le sais pas. Je l'ai reçu avec les nombreux messages transmis, en l’occurrence par Europe écologie les verts. Usuellement, j'aime connaître le nom de l'auteur, pour au moins me faire une petite idée de la source et de la validité de ce qui est écrit. Ici ce n'est guère nécessaire : le texte décrit les mécanismes fondamentaux bien connus des marchés financiers, en insistant sur le fait que chacun d'entre nous est abusé. Ce qui est magnifique est la transposition sur un marché de village. On regrette de ne pas l'avoir écrit, et de ne pouvoir rendre hommage à l'imagination l'auteur.

Selon le site

http://e-blogs.wikio.fr/crise-financiere-la-parabole-des-anes-espagnols

cela a été écrit par Alas de Plomo le 17/6/2010. La fin du texte qui figure sur le site est plus détaillée que celle que je vous ai envoyée hier.

Cela dit, j'ai tout de même un regret. Pour être plus drôle, l'auteur situe la scène chez les paysans naïfs d'un petit village. Lorsque j'étais petit, je voyais mes oncles négocier le prix des vaches avec les maquignons sur le pré de foire, et ils n'avaient rien de naïf, connaissant fort bien les mécanismes du marché. (Anecdote : en patois, les maquignons qui venaient de la Drôme étaient désignés par le terme « dromadaires ».) Au fond, je ne sais pas si la transposition est vraiment drôle, ou un peu méprisante. Allez, prenons-la au deuxième degré.

Bon, cela aurait été moins drôle de situer l'action chez un représentant en voitures achetant une maison aux USA au moment de la crise des subprimes.

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* Vérité ?

Pendant longtemps, dans ma grande naïveté, je croyais que les hommes politiques pouvaient mentir par omission, mais que lorsqu'ils disaient quelque chose c'était vrai (un peu comme pour une déclaration sous serment dans un procès aux USA).

Je reste étonné chaque fois que je constate l'évidence du contraire.

Le procureur américain a renoncé à poursuivre Dominique Strauss Kahn, accusé d'avoir agressé sexuellement une femme de chambre. Au parti socialiste, les « fans » de DSK, Jack Lang en tête, crient victoire : son innocence est reconnue, cette mauvaise passe est terminée.

Or le procureur n'a jamais déclaré DSK innocent : il a seulement constaté que, devant les tergiversations et les versions successives de Mme Diallo, il n'avait aucune chance de convaincre la totalité d'un jury. Pas poursuivi, certes. Innocent, personne ne l'a dit.

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*Vulgarisation scientifique

Je vous avais signalé le site « treize minutes » où des personnalités compétentes tentent, en treize minutes, d'exposer une question scientifique.

Actuellement, par exemple : David Larrousserie : Une partie de l’activité de vulgarisation consiste à expliquer au plus grand nombre l’état des connaissances. Bref ce que l’on sait. Mais il est tout aussi intéressant d’esquisser un tableau de ce que l’on ne sait pas en maths, chimie, biologie ou physique. Cela permet de montrer une recherche vivante, riche d’hypothèses, controverses ou impasses.

http://www.treizeminutes.fr/13minutes/video_larousserie.html

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* Crise

Un fort intéressant article de P. Larrouturou sur la crise, la relance, la règle d'or. Inutile de paraphraser, je ne saurais mieux dire.

http://www.20minutes.fr/economie/774086-pierre-larrouturou-sans-toutes-baisses-impot-accordees-depuis-2000-deficit-seulement-1-aujourd-hui#commentaires

Un extrait :

Imposer au pays un tour de vis est une erreur. Cela montre une méprise totale sur les causes de la crise. Je montre tout au long de mon livre («Pour éviter le krach ultime») que ce sont les inégalités sociales qui sont la cause fondamentale de la crise actuelle. Depuis trente ans, aux États-Unis comme en Europe, la stagnation des salaires et la multiplication des petits boulots associées à une forte réduction des impôts pour les plus riches a conduit les ménages et les Etats à s’endetter massivement. C’est de là que vient la dette. Un nouveau tour de vis ne ferait qu’accroître ces inégalités et provoquerait une récession.

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* Apprentissage

J'ai publié dans le numéro 67 de [Alerte] un article intitulé

Indignation, exaspération, révolte : la fin de la scolarité obligatoire jusqu'à 16 ans.

Cet article a suscité une vive réaction de certains d'entre vous, estimant que je méconnais totalement ce qu'est l'apprentissage en 2011, en pensant que les apprentis passent leur temps à balayer l'atelier.

Je dois à nouveau présenter des excuses à tous mes lecteurs. J'use et j'abuse de l'humour au second degré, à tel point que certains de mes proches amis se demandent si je soutiens vraiment Ben Ali.

Je sais que le second degré passe mal sur internet (on ne connaît pas ses lecteurs, on n'est pas en face à face pour une conversation). Comme d'est ma forme d'expression préférée, je précise parfois : c'est de l'humour, c'est une plaisanterie. Mais alors cela devient lourd.

Pour l'article sur l'apprentissage, je pensais qu'il était clair que l'apprentissage auquel je faisais allusion était un « vieux mythe » (« Ne confond-on pas l'artisanat du XIXème siècle avec les métiers du XXIème ?»).

Je me trompe peut-être en attribuant cette conception de l'apprentissage à une partie de la droite, mais en tout cas c'était le sens de mon article.

Je conviens tout à fait que je connais mal l'apprentissage, et accueillerai tout article m'aidant à préciser mes conceptions .Mais que l'on considère d'abord que, réussi ou non, mon article se voulait au second degré.

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Fin de [alerte] N° 69