[alerte] - JM Bérard - 12 mai 2018

Table des matières

Un grand progrès pour les libertés individuelles et collectives

Travail les jours fériés et le dimanche.

Élus municipaux

Compteur linky

68 et après

Fin de la lettre du 12 mai 2018

 

jean-michel.berard xx orange.fr


 

 

 

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Texte revu par le logiciel correcteur Robert,

option « orthographe rectifiée 1990 »

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Un grand progrès pour les libertés individuelles et collectives

Il n’est pas fréquent que la lettre [alerte] s’ouvre sur un titre aussi optimiste et positif ! Le 25 mai 2018 débute une époque nouvelle pour les libertés individuelles et collectives en Europe. C’est la date de mise en application du règlement européen sur la protection des données personnelles (RGPD) qui change de nombreuses méthodes de création, de collecte et de traitement des données personnelles pour les professionnels, les entreprises, les administrations, les associations, les particuliers.

Bon, je dois dire que c’est compliqué : le Parlement européen a adopté une directive qui s’applique dans tous les pays d’Europe dès le 25 mai 2018. Cela dit, en plus, certains états dont la France ont entrepris en plus une transposition législative, en cours je pense, qui précise et complète certains points.

Beaucoup de vous sont militants associatifs. Attention, les associations sont aussi concernées et là, il faut y veiller absolument, vous les militants. Un document important pour les associations, qu’elles soient petites ou grandes :

https://blog.verticalsoft.com/2018/04/23/rappel-avez-vous-mis-la-newsletter-de-votre-association-en-conformite-avec-le-rgpd/

Attention : ce texte est complexe et ne concerne pas seulement la newsletter éventuelle de votre association. Ce texte ne mentionne pas les sanctions encourues. Si besoin, prenez conseil. Ce n’est pas simple. Cela dit, pas de panique : la CNIL a annoncé une mise en place pédagogique, les éventuelles sanctions ne viendront pas tout de suite.

Certains de vous sont élus de collectivités territoriales. Elles sont aussi concernées, mais je pense que vu l’information qui a été faite et le travail que cela représente les services n’ont pas attendu le dernier moment.

Pour les petites entreprises le travail de mise en application est très complexe, car l’embauche d’un spécialiste apparait à beaucoup comme d’un cout excessif. On pense que le 25 mai moins de 30 % des PME françaises auront pu faire le travail.

Citation de Wikipédia :

Le problème d’une telle citation de Wikipédia est que c’est long, que cela ne parlera pas à tout le monde. Mais il me semble que vu l’importance cela vaut la peine. Tous ceux de vous qui ont eu un peu à fréquenter ces questions en verront la grande portée. Constatons aussi avec joie que d’importants pouvoirs de contrôle et de sanction sont donnés aux régulateurs tels que la CNIL.

Les principaux objectifs du RGPD sont d’accroitre à la fois la protection des personnes concernées par un traitement de leurs données à caractère personnel et la responsabilisation des acteurs de ce traitement. Ces principes pourront être appliqués grâce à l’augmentation du pouvoir des autorités de régulation.

Le règlement contient des confirmations ou des évolutions, avec des principes clés, tels que :

Le cadre harmonisé : il y a désormais un seul ensemble de règles relatives à la protection des données, directement applicable dans tous les États membres de l’Union Européenne, atténuant ainsi la fragmentation actuelle des lois nationales de protection des données.

L’application extraterritoriale : le règlement s’applique aux entreprises établies en dehors de l’Union européenne qui traitent les données relatives aux activités des organisations de l’UE. Les sociétés non européennes sont également soumises au règlement dès qu’elles ciblent les résidents de l’UE par le profilage ou proposent des biens et services à des résidents européens (article 3 du règlement).Remarque JM B : cela concerne donc aussi les entreprises des Etats Unis d’Amérique.

Le consentement « explicite » et « positif » : les entreprises et organismes doivent donner aux citoyens davantage de contrôle sur leurs données privées.

Le droit à l’effacement (version allégée du droit à l’oubli) : la personne concernée a le droit d’obtenir du responsable du traitement l’effacement, dans les meilleurs délais, de données à caractère personnel la concernant et le responsable du traitement a l’obligation d’effacer ces données à caractère personnel dans les meilleurs délais pour 6 motifs (article 17).

Le droit à la portabilité des données personnelles : les personnes concernées ont le droit de recevoir les données à caractère personnel les concernant qu’elles ont fournies à un responsable du traitement, dans un format structuré, couramment utilisé et lisible par machine, et ont le droit de transmettre ces données à un autre responsable du traitement. Lorsque la personne concernée exerce son droit à la portabilité des données en application du paragraphe 1, elle a le droit d’obtenir que les données à caractère personnel soient transmises directement d’un responsable du traitement à un autre, lorsque cela est techniquement possible (article 20).

Le profilage : toute personne a le droit de ne pas faire l’objet d’une décision fondée exclusivement sur un traitement automatisé, y compris le profilage, produisant des effets juridiques la concernant ou l’affectant de manière significative de façon similaire (article 22 du règlement).

Les principes de « protection des données dès la conception » et de « sécurité par défaut » : le règlement européen définit le principe de « protection des données dès la conception » (en anglais : Privacy by design) qui impose aux organisations de prendre en compte des exigences relatives à la protection des données personnelles dès la conception des produits, services et systèmes exploitant des données à caractère personnel. De plus, le règlement consacre la nouvelle règle de la « sécurité par défaut » qui impose à toute organisation de disposer d’un système d’information sécurisé (article 25 du règlement).

Les notifications en cas de fuite de données : les entreprises et les organismes sont tenus de notifier dès que possible l’autorité nationale de protection en cas de violations graves de données afin que les utilisateurs puissent prendre des mesures appropriées (article 33 du règlement).

La possibilité de désigner un délégué à la protection des données (Data Protection Officer en anglais). Cette nomination est obligatoire lorsque :

[…] Pour gagner de la place j’ai enlevé la suite de ce que concerne le délégué. JM B

Toutes les activités qui peuvent avoir des conséquences importantes en matière de protection de données personnelles doivent être précédées d’une étude d’impact sur la vie privée qui doit aussi prévoir les mesures pour diminuer les conséquences possibles des dommages potentiels relatifs la protection des données personnelles. Le délégué à la protection des données doit consulter l’autorité de contrôle avant de mettre en œuvre les activités en question (article 35 du Règlement).

Les sanctions plus importantes : le règlement donne aux régulateurs le pouvoir d’infliger des sanctions financières allant jusqu’à 4 % du chiffre d’affaires mondial annuel d’une entreprise ou 20 millions d’euros (le montant le plus élevé étant retenu), en cas de non-respect (article 83 (6) du règlement).

La création du Comité européen de la protection des données (« European Data Protection Board ») (réincarnation de l’ancien article 29 Working Party) qui a autorité dans tout ce qui concerne l’interprétation du Règlement (articles 68 et suivants du règlement).

L’élaboration de codes de conduite destinés à contribuer à la bonne application du présent règlement est encouragée (article 40 du règlement).

Dans le prochain [alerte] je vous donnerai des indications sur les conséquences (plutôt positives) sur les particuliers.

J’attends beaucoup vos réactions, car je ne suis pas sûr du tout de ne pas avoir fait d’erreur, et surtout pour connaître vos réactions.

Travail les jours fériés et le dimanche.

Je trouve que c’est un casse-tête logique. Le président Macron est favorable à tout ce qui permet à l’argent de circuler librement, cela stimule l’économie pense-t-il. Il est donc normal selon lui d’autoriser le plus possible le travail le dimanche et les jours fériés.

Sur le plan économique, j’ai de forts doutes. La quantité d’argent dont dispose chacun est limitée, ce qu’on dépense le dimanche dans les magasins ouverts n’est pas dépensé les autres jours. On risque même du coup de nuire fortement aux petits commerçants citadins qui ne pourront pas ouvrir le dimanche. Développer les grandes surfaces ou les petits supermarchés urbains, détruire le petit commerce. Big is beautiful !

Bon, c’est peut-être bien pour les touristes qui font le tour de l’Europe en huit jours et ont besoin du dimanche pour acheter au cours de leur voyage express, en s’intéressant moins aux autres aspects de la « Ville Lumière ». Remarquez, pour les musées et les monuments c’est facile : il suffit de programmer des visites virtuelles. On peut acheter dans la journée et visiter les musées et monuments le soir à l’hôtel. Je pense que la Joconde, vue sous différents angles avec plein de commentaires, est surement plus intéressante sur le site du musée.

https://www.youtube.com/watch?v=cN2G1kRUnKs

Caramba, encore raté ! Ce n’est pas la Joconde, c’est Monica Bellucci.

Du coup cela conduit à déclarer touristiques des quartiers de Paris où l’on a du mal à trouver des touristes. Le quartier Italie est-il touristique, ou espère-t-on que l’ouverture du dimanche attirera les touristes dans les grands magasins trop délaissés ? C’est pour éviter le « Sunday closed » des magasins de Londres dans le fameux sketch de Fernand Raynaud. Si les touristes ne peuvent pas acheter de sacs de luxe sur les Champs Élysées le dimanche, ils vont achèter, horresco referens, d’autres objets le lundi dans les pays qui seront leur étape suivante.

Revenons aux clients habitant le territoire. Je trouve de très nombreux sondages disant que 60 % des habitants sont pour le travail du dimanche, mais à condition que ce ne soit pas eux qui travaillent ! Bizarrement je n’ai pas trouvé de sondage très récent.

Exemple : je suis allé aujourd’hui 8 mai 2018, jour férié, faire des courses au supermarché et me faire coiffer chez la coiffeuse. Aurais-je pu y aller demain ? Oui, je suis retraité, j’ai besoin du supermarché et de la coiffeuse, et si pas aujourd’hui alors demain. Aurais-je du coup dépensé plus d’argent au supermarché et chez la coiffeuse ? Non, bien sûr. Et comment fait la vendeuse du supermarché pour aller chez le coiffeur ? Comment fait la coiffeuse pour aller faire ses courses ? Comment font-elles pour aller voir leur famille ou se promener à la campagne en dépensant de l’argent (puisque selon Macron c’est le but) pour prendre des transports ou consommer de l’automobile ? Comment font-elles pour dépenser de l’argent en allant au ciné, à Disney land, à la campagne dans la forêt ou nager dans la rivière, au match de foot, dans les bibliothèques dont certaines à la demande du président sont ouvertes le dimanche, au théâtre. Cela semble une question absurde sur le plan de la logique : si tout le monde travaille le dimanche, qui peut dépenser ? J’aimerais, après les textes pris à l’emporte-pièce par le président, savoir si des études ont été vraiment été faites pour déterminer si, au total, cela favorise la circulation de l’argent. Si l’on prend mon cas personnel, la réponse est non. Allons, JM B, votre cas personnel n’a pas valeur de statistique. Certes, mais, en dehors du cas évident des touristes, y a-t-il eu des statistiques, des évaluations rendues publiques ? Je ne parle même pas de la vie sociale, se rencontrer, voir ses enfants en garde alternée, s’il n’y a plus de jour de congé commun ?

Élus municipaux

L’un ou l’autre de vous (vous reconnaitrez-vous ?) peut-il transmettre aux élus des Lilas  ce billet un peu sentimentalo- sommaire ?

Ce 8 mai 2018 j’ai été content, vraiment, de voir dans la rue beaucoup d’élus avec leur écharpe tricolore défiler devant les drapeaux et les tambours. Eh bien, JM B, on ne vous savait pas aussi militariste ! La musique qui marche au pas…

Bon, le 8 mai célèbre la fin de la deuxième guerre mondiale, donc la victoire des alliés sur les nazis. Je pense que, sans être trop militariste, on peut se réjouir d’une victoire sur les nazis. D’autant plus que, sans vouloir jouer à la cour de récré, c’est Hitler qui a déclenché les hostilités.

Mais surtout je me réjouis de voir des élus municipaux défiler fièrement avec leur écharpe. Le président Macron malmène les communes à un point stupéfiant, tout particulièrement en leur confiant de nouvelles missions tout en réduisant leurs dotations et en limitant leurs possibilités de créer des ressources. Parmi de nombreux autres, un tout petit exemple dont j’ai déjà parlé, pas déterminant mais représentatif : le président a rendu l’école maternelle obligatoire à partir de trois ans. Cela a l’air très bien. Mais ce sont les communes qui financent la construction et le fonctionnement des écoles. Jusqu’à maintenant, les écoles maternelles publiques accueillaient de fait à partir de trois ans la quasi-totalité des enfants fréquentant l’école publique et étaient financées par les communes. Mais ce n’était pas obligatoire. À partir du moment où l’école est obligatoire pour tous à trois ans, les communes devront aussi subventionner les écoles privées. Était-il juste que, jusqu’à maintenant, elles ne le soient pas ? Peut-être pas. Quoi qu’il en soit, c’est une mesure qui entraine des conséquences financières pour lesquelles les communes n’ont pas été consultées et qui ne recevront pas, je crois, de dotation supplémentaire.

On en a beaucoup parlé dans les médias : tel « grand » maire a démissionné pour marquer que cette politique d’étranglement financier des communes n’est pas possible. Certains élus continuent de s’y coller courageusement. Bravo.

Compteur linky

Mon idée générale : il faut être extrêmement prudent vis-à-vis des « progrès » technologiques, mais une critique globale indifférenciée n’est pas efficace.

Pour je ne sais quelle raison, les critiques contre l’installation du compteur électrique linky sont vives en ce moment. Les questions relatives aux développements technologiques sont très complexes et je pense que, même si c’est compliqué, il faut analyser les situations au cas par cas. Je n’ai aucun doute sur le fait que les progrès technologiques sont très souvent mis au service d’une recherche fanatique du profit, où des lobbys de l’industrie chimique, de l’industrie agroalimentaire, des industries des logiciels et des produits connectés avancent tels un rouleau compresseur, sans prise en compte suffisante des effets sur la santé, sur le fichage, sur la protection de la vie personnelle et des libertés. Mais il me semble qu’un rejet systématique, intuitif et non argumenté prive de réels progrès s’il y en a et devient inefficace car refusé pour son caractère systématique.

Dès le XIXe siècle et même dès les Lumières les débats étaient vifs sur la nature du « progrès ». Actuellement certains scientifiques, pas très nombreux, estiment que le principe de précaution est un frein à la liberté de la recherche et des progrès de la connaissance. Je ne suis pas d’accord. Il me semble qu’il ne faut pas mettre de barrières aux progrès de la connaissance, mais que oui, il faut créer systématiquement des commissions du genre CNIL, des comités d’éthique (par exemple sur les usages de la génétique), des associations de scientifiques critiques, des groupes citoyens de réflexion. Non pas sur la connaissance, mais sur les usages que l’on en fait.

Bon, revenons-en au compteur linky. Pourquoi cette passion ? Le principe du compteur linky me semble pourtant inattaquable. Nous vivons dans une société de surabondance et de gaspillage. Si des dispositifs techniques peuvent nous conduire à quitter un comportement d’enfant gâté, à accepter de prendre en compte un comportement visant à dépenser moins… (Je ne suis pas en train de faire la leçon : je sais parfaitement que laisser les appareils en veille plutôt que les éteindre consomme beaucoup, et pourtant je me le permets !) Le compteur linky doit permettre aux producteurs d’électricité de mieux réguler la production. Même la ligue des droits de l’homme, qui initialement a fait campagne contre linky, a, tout en restant très vigilante, modifié sa position après avoir étudié les avis de la CNIL et la réalité des choses.

Linky soulève trois types de critique : le comportement agressif proche de la violation de domicile des organismes qui installent le compteur. C’est vrai, c’est absolument inadmissible. Il faut s’y opposer. Mais cela ne devrait pas conduire à refuser le principe même de la pose. Il faut mieux règlementer les méthodes d’intervention pour la pose. Deuxièmement, de supposés dangers : le compteur linky prend feu (je ne pense pas que cela soit dans sa nature. Si c’est vrai, les fabricants n’ont aucun intérêt à ne pas y remédier) ou émet des ondes produites par le CPL, mais beaucoup moins que les appareils déjà installés chez vous. La critique très sérieuse à mes yeux est que linky permet au fournisseur d’avoir accès à votre vie privée, de savoir à quel rythme vous vivez, à quel rythme vous mettez vos appareils en route. C’est vrai, et c’est réellement une atteinte aux libertés. (Rappelez-vous, il y a bien longtemps au début des actions violentes de l’IRA en Irlande on cherchait dans quelles maisons on consommait de l’électricité la nuit, lorsque les membres de l’IRA se réunissaient, tiraient des tracts.) Simplement le fournisseur affirme que ces données sont anonymisées aussitôt collectées : on a besoin de la nature de la consommation, pas du nom des consommateurs. Il faut effectivement que les mouvements militants vérifient cela de très près. Sil les données individuelles de consommation ne sont pas anonymisées, c’est grave. Le fournisseur affirme qu’elles le sont. Rappelons que la commission nationale de l’informatique et des libertés et la ligue des droits de l’homme ont donné des avis favorables. (Enfin, bon, en mai 2018 la CNIl reproche au prestataire de ne pas demander clairement le consentement pour la transmission ! Rien n’est simple ! Il faut une vigilance militante constante !)

Être vigilant sur les dérives doit-il conduire à refuser le principe ?

Tout cela pour dire que je trouve ces questions réellement complexes. Le fichage, les atteintes à la vie privée, les restrictions des libertés sont en ce moment très, très inquiétants. On a raison d’être vigilant à l’égard des fournisseurs d’électricité. Mais, tenant compte des informations que j’ai, si j’avais à mener une campagne, j’attaquerais plutôt le gouvernement et ses lois prétendument antiterroristes, et surtout Google qui sait beaucoup sur nous et revend ce qu’il sait. On ne peut pas se rassurer en se disant que les usages de Google sont seulement commerciaux. Tout bêtement, ne peut-on déjà se faire une idée de vos opinions en pistant ce que vous consultez, les articles que vous lisez, les livres que vous achetez. Je sais je l’ai déjà dit. La majorité d’entre vous continue d’utiliser Google alors que Qwant présente beaucoup moins de risques et est tout aussi facile à utiliser.

Refuser linky et utiliser Google ? Je serais vraiment content si vous pouvez me dire pourquoi.

68 et après

Pourquoi en ce moment tant parler de mai 1968 ? Parce que c’est le cinquantième anniversaire. Rassurez-vous, je ne vais pas en faire une constante des lettres [alerte].

68 et après est le titre du livre que publie l’historien Benjamin Stora.

Un hommage sera rendu à son œuvre lors d’un colloque international au Mucem de Marseille le 31 mai 2018.

Signalé par AB, merci.

https://fr.wikipedia.org/wiki/Benjamin_Stora

L’historien donne, le 28 avril 2018 un entretien à Europe 1 et au Journal du Dimanche. « Je ne crois pas que nous sommes dans la même situation que 68 ». J’en copie les réponses aux deux premières et à la dernière question du journaliste. Il y en a plus de quinze. La personne qui m’a envoyé ce texte par mail ne m’a pas donné de lien sur lequel y accéder et de toute façon je ne sais pas si ce lien est public gratuit.

Avez-vous le sentiment de vous être trompé ou d’avoir été trompé sur ce qu’a été Mai-68 ?

Peut-être, mais il y a surtout une forme de chagrin. Je me suis engagé dans cette expérience avec une très grande force, une très grande foi et un grand espoir parce que 68 représentait pour moi une porte d’entrée dans la société française. Je découvrais une France fraternelle et généreuse et je refusais de voir l’autre France avec ses codes, ses traditions et ses héritiers. Je pensais en fait qu’on était tous égaux dans la révolution et l’engagement politique, qu’on partageait tous le même idéal et que cet engagement gommait les appartenances de classe, les origines identitaires de chacun, un peu comme avec les blouses grises à l’école communale. Ma découverte, progressivement, c’est qu’on ne faisait pas tous parti de la même histoire, et cela a pris au moins dix ans dans ma tête pour se décanter.

Dans le même temps, l’OCI (JM B : Organisation communiste internationaliste, trotskyste-lambertiste) était un peu comme une secte. Vous écrivez dans votre livre que c’était comme un cocon où l’on se sentait bien…

Oui, il y avait chez mes camarades une soif de pureté, de radicalité et de sectarisme. C’est l’aspect le plus occulté de Mai-68. On parle souvent de l’esprit ludique, festif, presque hippie de cette époque mais on oublie qu’il y avait des dizaines de milliers de jeunes (JM B : tant que ça ?) qui sont entrés et sortis de 68 avec un esprit extrêmement dogmatique. On ne peut pas oublier par ailleurs que la tentation du terrorisme était également forte. Pourquoi le dissimuler ? Il y a eu, entre 1968 et 1973, une montée de la radicalité en France qui était réelle. Une autre gauche se dessine alors avec l’arrivée de Rocard au PS, qui coïncide avec les mouvements du Larzac, de Lip, des luttes féministes, des revendications pour l’autogestion, l’écologie politique : c’était une autre gauche. Qui s’éloignait de la gauche violente de la nuit des barricades du 10 mai 1968, beaucoup plus virile et excluante. Le débat démocratique, on n’en parlait que de façon très abstraite

Remarque JM B : ce confort du cocon était, me semble-t-il, du même ordre chez les maoïstes, même si les théories et les actions n’étaient pas les mêmes. Un point commun à mon avis : le dogmatisme par application mécanique d’une théorie. Par ailleurs je ne comprends pas vraiment l’allusion à la tentation terroriste. En Italie, oui. En France il me semble que des historiens ont justement décrit les raisons pour lesquelles, à leur avis, les mouvements français n’ont pas basculé dans le terrorisme à cette époque. Je n’ai pas participé aux actions de la Gauche Prolétarienne, je les connais mal, il me semble que l’article de Wikipédia présente de nombreuses imprécisions. En tout cas il me semble que cet article ne fait à aucun moment référence à des actions terroristes de la GP, qui justement s’est arrêtée dans sa grande majorité juste avant de passer au terrorisme. Le cadre de chez Renault n’a pas été assassiné (voir le texte).

https://fr.wikipedia.org/wiki/Gauche_prol%C3%A9tarienne

Certes Georges Besse, cadre de l’industrie nucléaire et d’autres ont été assassinés ou attaqués dans les années 1986, mais c’était une autre période de l’histoire et une autre théorie politique. Ce n’est pas du tout pour excuser Action Directe, c’est juste pour ne pas tout mélanger.

Peut-être tel ou tel de vous, qui connait bien cette période pour l’avoir vécue peut-il me contredire ?

Pour vous, Macron est-il de gauche ?
Il a une démarche de gauche, par certaines de ses positions, que la gauche traditionnelle ne veut pas lui reconnaitre. Que ce soit dans son rapport à l’histoire coloniale, aux immigrés ou à la place de l’islam et des religions dans la société. En fait, il appartient à la mouvance des catholiques de gauche, plus dans la lignée intellectuelle de la revue Esprit que dans celle de Témoignage chrétien. Il assume une forme d’héritage de cette gauche rocardienne et deloriste que François Hollande n’a pas vraiment assumé.

Les passages en italiques ci-dessus sont des citations de Stora. Je trouve un peu rude pour Rocard et Delors de dire que Macron est leur héritier !

Fin de la lettre du 12 mai 2018