[alerte] - JM Bérard - 27 avril 2018

 

jean-michel.berard xx orange.fr


 

Table des matières

 

Plaisir partagé

Espoir dans la lutte contre le paludisme

Journalistes

Fausses nouvelles

Antisémitisme

Fin de la lettre du 27 avril 2018

 

 

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ATTENTION Ce texte a été revu par un correcteur utilisant

l'orthographe usuelle et pas l'orthographe 1990

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Plaisir partagé

Vous avez certainement quelque chose à offrir pour cette rubrique.

Espoir dans la lutte contre le paludisme

Le paludisme est propagé par les piqûres de moustiques. Selon Wikipédia il y avait en 2012 207 millions de malades dans le monde et 630 000 décès cette année là. Cette maladie touche surtout les femmes enceintes et les enfants en Afrique subsaharienne, zone très pauvre du monde. En 2016 un rapport de l'organisation mondiale de la santé relevait une hausse incontestable du nombre de cas. Le docteur Tedros Adhanon, de l’organisation mondiale de la santé précise :

7 milliards de dollars investis, sur les 6,5 nécessaires

Les financements mondiaux obtenus en faveur du contrôle et de l’éradication du paludisme représentent moins de la moitié des fonds nécessaires pour atteindre les cibles mondiales ». Dans son avant-propos au rapport annuel 2017 sur le paludisme, le DTedros confirme « un niveau d’investissement inadéquat » : « Un niveau d’investissement annuel de l’ordre de 6,5 milliards de dollars [5,2 milliards d’euros] au moins est requis d’ici à 2020 pour atteindre les cibles de la stratégie technique mondiale de lutte contre le paludisme de l’OMS. Or, en 2016, seulement 2,7 milliards de dollars (2,2 milliards d’euros) y étaient consacrés et, depuis 2014, ces investissements ont diminué dans de nombreux pays très touchés. »

Si j'avais mauvais esprit je me dirais « pourquoi l'industrie pharmaceutique investirait-elle pour la recherche concernant des maladies qui touchent des pays pauvres, dans lesquels il n'y aura jamais de retour sur investissement ? » On ne peut pas tout faire. Les investissements pour la production de cosmétiques sont en hausse. C'est vrai, ça, quitte à avoir le palu autant être belle. Je suis bête : ce ne sont pas les mêmes clientes.

Selon Le Monde du 25 avril 2018 la tisane artemisia pourrait être une tisane contre le paludisme.

Cette plante est déjà utilisée en Chine. Un réseau international de médecins regroupés dans la Maison de l'artemisia tente depuis quelques années de développer l'usage de l'artémisia. Cet usage provoque de nombreux débats, de nombreuses questions, car une utilisation partant de résultats empiriques non validés par des observations scientifiques n'est pas dans les habitudes. Cela me semble juste, je ne crie pas du tout aux freins mis par la « science officielle » : de nombreux produits sont utilisés depuis des siècles dans différents pays et dans différentes traditions médicales. Il n'est pas absurde de les soumettre à des essais en double aveugle. Cela peut éviter la vente massive de médicaments « traditionnels » dont la seule utilité serait d'enrichir les vendeurs. On en trouve des tonnes dans de nombreuses revues et sur d'encore plus nombreux sites.

La tisane artemisia a, selon l'article, effectivement été soumise à des tests en double aveugle respectant toutes les règles en vigueur. Pour l'instant les résultats de ces tests sont en cours d'évaluation. J'ai lu intégralement les deux pages consacrées à ce sujet dans le journal. Franchement, c'est rédigé de façon telle que je ne suis pas parvenu à me faire une opinion : y a-t-il vraiment des études solides et pourquoi les résultats ne sont-ils pas connus, pourquoi, s'il faut des fonds supplémentaires pour faire des études sur les principales victimes, enfants et femmes enceintes, pourquoi, donc, ces fonds ne sont-ils pas alloués par les organismes qui financent ? Si le professeur Saint-Hillier au Mali a, en 2016, traité 100 nouveaux nés et observé 100% de guérison sans aucune issue fatale ni effet secondaire, où ses résultats et sa méthode ont-ils été publiés, les a-t-on étudiés méthodiquement, ou ne s'agit-il que de on-dit qui ne trouvent leur validité que dans la répétition ?

Le docteur Pamela Weathers estime que l'avenir est dans la convergence des médecines. (En même temps...) « Notre objectif est de fusionner l'histoire millénaire de la médecine traditionnelle avec la rigueur de la science moderne pour fournir un produit thérapeutique solide fondé sur des données probantes qui puisse être produit de façon constante et fiable comme on le fait pour un médicament chimique. » Une telle déclaration est évidemment totalement incontestable. Elle ajoute « Nous sommes en bonne voie pour le faire. » Et là, malheureusement, rien dans la lecture de l'article ne permet de se convaincre que nous sommes en bonne voie. Dans un grand hôpital parisien dont j'ai oublié le nom, on est vraiment en bonne voie : une équipe composée de sommités médicales « occidentales » et de sommités de la médecine chinoise traditionnelle travaille en commun pour confronter les méthodes et les théories.

Journalistes

Le président, sous couvert de protéger les Français, multiplie les lois restreignant les libertés jusqu'alors considérées comme démocratiques et réduit les pouvoirs des juges. Il ne tarit pas de critiques contre la presse. Dans ce contexte, je suis, moi, très heureux qu'une partie de la presse défende les libertés, enquête sur le fond (malgré des lois telle que la loi sur le secret des affaires, qui va réduire considérablement les possibilités d'investigation), pratiquent l'analyse critique par le « intox désintox », où l'on est souvent ahuri par le culot mensonger de certains hommes politiques. Je suis très content de lire Médiapart, d'acheter sur papier un ou deux journaux par jour, de m'être abonné à l'édition numérique du journal Le Monde (sur ordinateur et sur téléphone) depuis que mon prestataire Orange a supprimé les quarante journaux gratuits qu'il m'envoyait chaque jour. J'avais d'ailleurs des doutes : comment la presse peut-elle survivre en envoyant comme cela des journaux ? Orange les payait-il vraiment à un prix raisonnable ?

Bon, c'était juste pour me moquer un peu, pour une fois, de la une du journal Le Monde. « Les grèves pénalisent plusieurs secteurs économiques. » Çà alors ! Un scoop ! Je pensais que c'était justement pour cela qu'étaient faites les grèves, par exemple en privant les actionnaires de journées de production. On peut penser qu'on a tort de faire grève, mais on ne peut pas s'étonner qu'elles pénalisent l'économie. A l'appui de son article le journal cite des exemples. Je pense qu'il n'aura pas eu besoin d'enquêtes difficiles pour se voir obligeamment communiquer de telles informations. Bon, une fois cela dit, les grèves sont-elles justifiées, efficaces, c'est une autre question. Le droit de grève en France est constitutionnel et résulte de nombreuses actions historiques des mouvements de salariés.

Il me semble que le journal aurait pu titrer « après x semaines, les diverses grèves ont pour effet de pénaliser déjà l'économie ». En fait l'information est dans le « déjà ».

Fausses nouvelles

Le travail d'intox désintox mené par les journalistes ne concerne pas que les mensonges des hommes politiques.

L'évacuation de Tolbiac par la police a été très violente, il y a probablement eu un étudiant mort, le crâne éclaté. C'est une fausse nouvelle ; je cite intégralement la lettre quotidienne de Laurent Joffrin du 25 avril 2018. C'est là aussi que le travail d'enquête de la presse est indispensable. Même visant un site web proche de Mélenchon.

Média, web-télé proche (très proche) de La France insoumise, avait pour objet de renouveler le journalisme en faisant entendre une voix originale, différente de la propagande conformiste distillée – disent ces rénovateurs de la presse – par les médias «mainstream». Il faut admettre que sa réussite est totale. Les méthodes de cette télé de la gauche radicale se distinguent en effet radicalement du journalisme classique, ou «mainstream». Vendredi 20 avril 2018, le Média rend compte de l’évacuation de l’université de Tolbiac par la police, le jour même au petit matin. On apprend à cette occasion que la «version officielle» donnée par la préfecture est fausse, que l’opération policière a été très violente, qu’il y a deux blessés graves. Une jeune femme nommée Leïla est interrogée à l’appui de ces affirmations : on a vu, dit-elle, un homme à terre le crâne explosé, dans une mare de sang et il a depuis disparu, hospitalisé quelque part en situation de coma. Émotion sur le plateau, très compréhensible, puisqu’un jeune est entre la vie et la mort. Commentaires divers allant tous dans le même sens, puis on passe à un autre sujet.

L’ennui c’est que certains médias, dont Libération, se sont mêlés de vérifier ces informations avec des méthodes horriblement mainstream : retrouver les témoins, prendre en compte les démentis multiples opposés par des autorités diverses, recouper ces dires autant que possible. Il apparaît au terme de ce travail désespérément traditionnel que la jeune Leïla n’a pas vu la scène dont elle parle, que le jeune homme, jusqu’à plus ample informé, n’a été hospitalisé nulle part, que personne n’a vu sa chute, ni l’intervention subséquente des pompiers ou des services municipaux. A l’origine de la rumeur, on trouve un des occupants de Tolbiac, présenté comme un SDF, appelé «Désiré», dont des étudiants disent «qu’il est perdu dans sa tête», et qui est désormais introuvable.

Voilà donc une remarquable innovation journalistique : on accuse la police de violence grave, on lui reproche d’avoir provoqué la chute d’un étudiant plongé depuis dans le coma, sans vérifier quoi que ce soit, sans recouper les témoignages, en tenant par hypothèse pour nuls et non avenus les démentis officiels (qui émanaient pourtant de sources différentes, dont les hôpitaux de Paris), en interrogeant uniquement les témoins à charge. Voilà effectivement une rupture audacieuse avec les règles laborieuses du journalisme mainstream… Depuis, on se raccroche aux branches en affirmant que ce n’est pas le vrai débat, que la jeune Leïla n’a pas dit explicitement qu’elle avait «vu» la scène (elle a dit «on a vu», mais en langage parlé la locution signifie «nous avons vu», ce qui l’inclut elle aussi), etc.

Il arrive aux médias, à Libération, par exemple, de publier les propos de témoins dont il s’avère ensuite qu’ils ont menti ou qu’ils se sont trompés. C’est pour éviter ce genre de fourvoiement qu’on s’efforce – en tout cas c’est la règle – de recouper les affirmations desdits témoins. Et si l’on se trompe, on le reconnaît et on s’excuse, dans une attitude trivialement mainstream. C’est là que le Média, résolument moderne, rejoint les pratiques de l’administration Trump. On se souvient que l’une de ses porte-parole, prise en flagrant délit de mensonge, avait invoqué une vérité «alternative». Sous cet angle, le Média est effectivement très alternatif.

Antisémitisme

Une forte polémique s'installe à la suite de la publication d'un texte paru dans « Le Parisien » sur les liens entre islam et antisémitisme. Selon Libération, malgré ses bonnes intentions, ce manifeste publié pour dénoncer de multiples agressions contre les juifs divise plus qu'il ne rassemble.

Le manifeste

http://www.leparisien.fr/societe/manifeste-contre-le-nouvel-antisemitisme-21-04-2018-7676787.php

Je n'interviens qu'avec timidité dans des questions complexes dont je connais mal tous les tenants et aboutissants. Je n'ai qu'une certitude : dire que c'est être antisémite que de contester la politique colonialiste de Netanyahou et dire que c'est être antisémite que de dire : les palestiniens ont aussi leur place en Palestine me semble inadmissible. Or c'est hélas la thèse de nombreuses organisations juives, dont malheureusement de CRIF. Pourquoi donc assimiler le fait d'être juif au fait de soutenir sans réserve Netanyahou ? C'est la transitivité mécanique bien connue : juif = Israël, Israël = gouvernement d'Israël, gouvernement d'Israël = politique en impasse de Netanyahou. Donc ne pas soutenir la politique en impasse de Netanyahou c'est être antisémite ! Logique terrible. Une célèbre actrice israélienne vivant aux Usa, Natalie Portman, a tout récemment refusé un prix artistique qui devait être décerné avec pour support un discours de Netanyahou, car elle ne voulait pas d'un discours de Netanyahou dont la politique dit-elle « ne correspond pas à mes valeurs juives. » Elle a été accusée, en Israël, d'être antisémite, un parlementaire a demandé sa déchéance de nationalité.

Je suis très intéressé par la religion juive, dont la complexité théologique s'appuie sur une pratique constante du débat, même si, comme partout, il existe des ultras. Je suis très intéressé par les traditions de vie et leur histoire. Par l'humour juif, quoiqu'il soit bien difficile à comprendre pour quelqu'un qui n'est pas familier de ce qui le sous tend ; j'apprécie surtout l'humour juif dans les livres commentés par des spécialistes de la culture juive. Je suis fasciné par la langue yiddish, bien que son usage ne soit, je crois, guère politiquement correct en Israël. Et je regrette la rigueur des traditions alimentaires, qui m'empêchent d'inviter chez moi un juif de stricte observance, car je ne pourrais pas lui préparer un repas conforme.

Tout cela pour dire que je ne peux par mes propres analyses réagir de façon pertinente au manifeste paru. Je vous communique donc le texte de Claude Askolovitch que m'a envoyé l'un de mes amis juifs travaillant dans des mouvements progressistes. A la lecture, je suis totalement d'accord avec ce qui est écrit.

http://www.slate.fr/story/160777/manifeste-contre-nouvel-antisemitisme-logie-devastatrice

Je pensais le recopier, mais, outre que je ne suis pas sûr d'en avoir le droit, c'est trop long. Il est annoncé pour une lecture de 14 minutes, pourquoi vous priver d'une lecture aussi intéressante ? Cela dit la durée de lecture dépend-elle de la façon dont vous avez appris à lire ?

Début du texte, lire la suite en suivant le lien.

Un texte est publié pour défendre les juifs, que ma mère partage et que tant de personnes signent, que pour beaucoup je ne peux qu’estimer. Pourquoi, alors, suis-je glacé par ce «manifeste contre le nouvel antisémitisme», qui témoigne d’une idéologie française, par la variété et l’ampleur de ses soutiens? Enfin, des voix s’élèvent, pour «nous», et j’en prends ombrage? Ce texte est glaçant pour la vérité dont il émane comme pour les mensonges qu’il induit. Il est terrifiant pour ce qu’il rappelle de la vie et de la mort de juifs, ici, depuis le début du siècle; et horrible pour ce qu’il nourrit: une mise en accusation des musulmans de ce pays, réputés étrangers à une véritable identité française, sauf à renoncer à leur dignité. Je ne conteste pas la bonne volonté des signataires. Je voudrais, humblement, qu’ils mesurent leur risque et leurs mots. Suite sur le site de slate.

Fin de la lettre du 27 avril 2018