[alerte] - JM Bérard - 14 février 2018

Table des matières

 

Plaisir partagé

Ce pays refuse le changement

Jusqu’où ira-t-il ?

Réparer les liens abimés avec l’Église catholique

Laïcité

Manger chacun pour soi. Dispersion de l’Humanité ?

Fin de la lettre du 14 avril 2018

 

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Ce texte est écrit dans l’orthographe recommandée 1990

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Plaisir partagé

Concernant les connaissances et la transmission des connaissances, je n’ai pas encore pu voir le film Mme Hyde avec Isabelle Huppert. L’un de vous peut-il en parler ?

Lecture : La haine de la famille, Catherine Cusset. Surprenant, malaisant, prenant.

Ce pays refuse le changement

Vous reconnaissez bien sûr leitmotiv d’Emmanuel Macron et de ses ministres dont, montreur de marionnettes virtuose, il tire les ficelles avec virtuosité. Je découvre dans Wikipédia, les marionnettes à fil sont désignées par le terme « fantoche ». Désobligeant pour les ministres. Quoi qu’il en soit, cette expression finit par me donner la nausée. Pourquoi « dans ce pays » et pas « dans notre pays » ? Où se place-t-il pour nous regarder ? Et pourquoi dans ce pays ? Est-ce différent dans les autres pays ? Ce pays refuse le changement. Mais qu’est-ce que le changement, si l’on ne dit pas ce que l’on change et dans quel but ? Remplacer, dans le langage et dans toute l’action politique, le terme de « solidarité » utilisé depuis la Libération par le terme « assistanat » est un vrai changement, mais, oui, je le refuse.

Jusqu’où ira-t-il ?

Jusqu’où ira-t-il dans la démagogie électoraliste ? On croyait qu’il agissait, il agit, mais ajoute maintenant à l’action (de droite) une démagogie visant à grappiller des voix (de droite) sans ligne directrice. On lui a dit qu’il passe pour un président parisien. Il lui faut donc regagner « les territoires ». Pas la campagne, cela fait plouc ! Il oublie que les petits artisans agriculteurs n’existent presque plus, la production venant surtout de l’agriculture industrielle, et que ces petits paysans représentent un apport électoral très faible. Il oublie que les petits villages sont surtout habités par des urbains qui travaillent en ville. Reconquérir les territoires, c’est pour lui se couler dans l’idéologie du Tour de la France par deux enfants. Ainsi le président vient de diviser par deux le prix du permis de chasse et d’étendre les droits de chasse à l’oie cendrée. Vive le lobby, puissant électoralement, de Chasse, pêche, nature et tradition. Ça, coco, pour les élections c’est tout bon. Il avait déjà déclaré que la chasse à courre est une tradition française. Certes, les riches possesseurs de meutes de chiens et d’équipages sont français ! Les bêtes traquées cruellement aussi. Tradition ? Même en Angleterre, pays de tradition s’il en fut, la chasse à courre est désormais interdite depuis 2005. Cela dit, le président est cohérent et avait déjà déclaré que « la corrida fait partie intégrante de la culture et de l’économie, y compris du tourisme, de la région. Je suis à ce titre opposé à l’interdiction dans les territoires de tradition taurine. » Il a raison : il n’y a aucune raison d’interdire la corrida là où il n’y a pas de corridas. Est-ce Macron qui a déclaré « l’abattage cruel des animaux dans les abattoirs pour des raisons de rentabilité est une tradition des régions d’élevage » ? Est-ce Macron qui a déclaré « L’excision fait partie intégrante des traditions de certaines régions, je suis à ce titre opposé à son interdiction. » Non ? Pas encore ?

Réparer les liens abimés avec l’Église catholique

Ce serait le souhait exprimé par le président devant une assemblée d’évêques. Je ne comprends pas que cela fasse autant de bruit, alors qu’il s’agit évidemment d’un bobard, d’une fake news destinée à ridiculiser le président. Comment le président de la République française pourrait-il déclarer que les liens entre la République et l’Église catholique sont abimés alors que, depuis la loi de séparation des Églises et de l’État de 1905 il n’y a précisément aucun lien entre les Églises et l’État ? Je n’apprécie guère Macron, mais il ne faut tout de même pas inventer n’importe quoi, il n’a logiquement pas pu dire cela. Ah oui, logiquement.

Laïcité

Les conceptions de la laïcité sont, en France, diverses et donnent lieu à de vifs débats entre partisans de la laïcité. J’ai eu l’occasion ces derniers temps d’apprécier les déclarations de JL Bianco, président de l’observatoire de la laïcité depuis 2013. En particulier lors d’une réunion de la Ligue des droits de l’homme, merci ML. Peut-être ceux de vous qui ne sont pas d’accord avec Bianco pourraient-ils réagir ?

https://fr.wikipedia.org/wiki/Observatoire_de_la_la%C3%AFcit%C3%A9

Un exemple, cité par la revue en ligne « Le café pédagogique» :

Il y a cette tendance à faire de la laïcité, non pas un principe, parce que la laïcité c’est un principe politique qui permet de vivre ensemble, qui repose sur la liberté… Il y a une tendance… de lui faire dire ce qu’elle ne dit pas, et de lui faire dire ce qui n’est pas dans la loi mais ce que certains voudraient qu’il y soit. Par exemple qu’il n’est pas permis à des mamans accompagnatrices d’accompagner les sorties scolaires avec un foulard. Entre parenthèses, il y a des tas de villes où il n’y aurait plus de sorties scolaires si on faisait ça. Et en plus le phénomène d’intégration dû au fait que des mamans d’un milieu défavorisé et si j’ose dire en plus de la culture qui n’est pas la culture dominante mais qui est la culture musulmane, s’intéressent à l’école, c’est une très bonne nouvelle. Et vous imaginez ce que ça ferait chez les enfants si leur maman ne pouvait plus accompagner les sorties scolaires parce qu’elle a un foulard ?

Solidarité laïque publie un long entretien avec JL Bianco, président de l’Observatoire de la laïcité.

https://www.youtube.com/watch?v=GO48VFYunqQ

https://www.youtube.com/watch?v=NgwO2D1rluc

https://www.youtube.com/watch?v=LC95eDhDwEQ

Passionnant. Pour ce qui me concerne, je suis d’accord avec chacun de ses propos, jusqu’à plus ample réflexion ou réactions de votre part.

Dans le il me semble que le port par les femmes de la tenue de bains « burkini » n’a rien à voir avec la laïcité. On s’habille comme on veut. Les éventuelles restrictions sont dues au respect de la pudeur, ou au fait que certains maires ne souhaitent pas que des touristes en maillot de bain se promènent en ville hors de la plage, mais cela n’a rien à voir avec la laïcité. De même que l’argument disant que le burkini est un costume imposé aux femmes par les hommes. Vrai ou pas, cela n’a rien à voir avec la laïcité. En fait, si l’on y regarde de très près, je pense même que l’interdiction du foulard l’école résulte d’une interprétation très « limite » de la notion de laïcité L’interdiction du voile intégral, elle, ne résulte juridiquement pas de considérations religieuses, mais de la nécessité d’ordre public de ne pas se masquer dans la rue. (Je suppose qu’il y a une exception pour les membres du GIG ! Je ne sais plus ce qu’il en est pour les motards. Je ne sais pas non plus si les policiers provocateurs envoyés dans les manifs pour jouer les casseurs ont le droit de se masquer.)

Manger chacun pour soi. Dispersion de l’Humanité ?

Me tournent dans la tête des questions sociologiques. Je constate au moment de les écrire que je n’ai ni les connaissances historiques ni les connaissances sociologiques pour exprimer mes questions de façon pertinente. Je vous en livre seulement le canevas, J’aurais aimé développer plus. Peut-être si tel d’entre vous est inspiré pourrait-il écrire un article de niveau convenable.

Il me semble que, dans toutes les sociétés, le repas pris en commun est un signe important de lien humain. Repas de famille, repas entre amis, repas dans les associations, les fêtes. Repas pour marquer une réconciliation personnelle ou sociale, un anniversaire important dans sa vie. Repas républicain, repas diplomatique. Je n’ose évoquer les repas de fin des albums d’Astérix, car le barde en est exclu et les romains aussi.

Il y a déjà longtemps j’avais été frappé par le fait que dans Shakespeare le banquier juif Shylock dit à son interlocuteur je peux avoir avec toi de nombreuses activités, mais je ne peux pas partager un repas avec toi. C’est vrai. Si je voulais inviter à déjeuner chez moi des amis juifs de stricte observance comment ferais-je ? À supposer même que je me renseigne, que j’achète tous les produits conformes, je n’aurais pas chez moi la vaisselle nécessaire pour respecter les rites.

Tout cela pour dire que je suis en ce moment très frappé par la difficulté d’organiser des repas en commun. Certains ont des interdits religieux, d''autres ont des problèmes médicaux (allergies, intolérance au gluten) peut-être dus à la dégradation de la qualité des aliments. D’autres refusent les produits lactés, la viande, ou encore tous les produits d’origine animale pour diverses raisons écologiques, de principe ou philosophiques. Toutes raisons éminemment respectables. Mais du coup comment organiser un repas en commun ? Avez-vous essayé récemment d’inviter votre famille, des amis ? Comment avez-vous procédé ? J’en suis à me demander si la notion même de repas commun n'est pas en train d'éclater. Est-ce un éclatement du lien social

Cela dit, je suis inutilement pessimiste. Dans de nombreuses circonstances se développe la pratique du « chacun apporte quelque chose et l’on met en commun. » Très chaleureux, chacun peut apporter du standard ou exprimer ses talents de cordon-bleu, frais partagés, et bien sûr du coup chacun peut trouver ce qui lui convient, surtout s’il a pris la précaution de l’apporter. J’aime beaucoup ce type de rencontres. Simplement, cela rompt avec un autre rite social voulant que l’on invite ou que l’on est invité. Depuis bien longtemps en Bretagne (je ne sais pas si c’est toujours le cas) les repas de noce dans les villages duraient plusieurs jours mais étaient constitués par ce que chacun avait apporté.

Bon, d’accord, ce sont des problèmes de riches.

C’est juste un canevas ; je vais continuer d’y penser.

Si vous voulez m’inviter chez vous, je n’ai aucun a priori. Simplement je n’aime pas du tout les tomates crues ni les maquereaux. Question de goût. Voyez, je pose aussi mes conditions ! Mais je suis encore plus d’accord pour venir à un repas aux apports partagés.

Fin de la lettre du 14 avril 2018