[alerte] - JM Bérard - 10 mars 2018

 

jean-michel.berard xx orange.fr

Table des matières

[alerte] - JM Bérard - 10 mars 2018

Au fil des jours

Prisons

Politique des peines

Les insecticides tuent les insectes

Privatisations

Le tour de la France par deux enfants

Reçu de l’un de vous RJ

Reçu de l’un de vous JD

L’enfant est une personne ?

Fin de la lettre du 10 mars 2018

 

 

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Ce texte est écrit dans l’orthographe recommandée 1990

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Au fil des jours

Prisons

Le Président passe quatre heures dans la prison de Fresnes, la plus surchargée et l’une des plus dégradées de France. Cette situation de suroccupation a été mille fois dénoncée par la Contrôleure générale des lieux de privation de liberté et condamnée par la commission de Bruxelles. Les syndicats du pénitentiaire sont contents : le Président a enfin pris conscience de nos conditions de travail. J’imagine les détenus, nombreux et entassés dans leur cellule qui voient l’œilleton s’ouvrir et le président les regarder. Mieux qu’un peep show. Bon, je pense qu’il n’a pas même regardé, il a écouté les surveillants. Rien dans le compte rendu de sa visite ne dit qu’il a parlé à des détenus. Pour les hôpitaux, je rends hommage au personnel mais je trouve que, pour bien comprendre ce que c’est de sonner et d’attendre qu’on vous apporte le bassin, toute personne travaillant à l’hôpital devrait y avoir fait un stage en tant que patient. Peut-on vraiment comprendre ce que vivent les prisonniers sans l’avoir vécu ? Des hommes politiques qui ont réellement été en prison pour leurs malversations financières sont eux-mêmes assez sévères sur le système pénitentiaire et en tout cas ne parlent jamais de « prison quatre étoiles ».

Extrait du site de 20 minutes journal distribué gratuitement dans le métro et pas du tout contestataire.

Arrivé vers 18 heures sans journaliste ni caméra, le président est resté quatre heures au sein de la prison où il a notamment rencontré les personnels d’insertion et de probation, les surveillants et les syndicats. JM B : c’est une prison sans détenus. Le taux d’occupation y frise les 200 %. Le personnel est pour beaucoup composé de stagiaires, alors qu’un surveillant gère plus de 100 détenus sur sa coursive. Vétuste, l’établissement connait de gros problèmes d’hygiène, qui attirent rats et punaises de lits. Emmanuel. Macron a promis la création de 15 000 places de prison sur dix ans. JM B : eh oui, continuons une politique de « tout prison » chère à l’opinion publique, génératrice de délinquance en « formant » les nouveaux prisonniers à la délinquance, de récidive et de radicalisation. Aucune réflexion sur la politique pénale, le droit au travail des détenus, les peines de substitution. Cela dit, lorsqu’on lit les commentaires ahurissants des lecteurs sur le site de 20 minutes, on se dit que, vu l’état de l’opinion publique et la démagogie du président, on n’est pas près de voir une évolution de la politique pénale.

Politique des peines

Bon, je n’avais rien compris. La séquence dont je viens de parler était destinée au personnel pénitentiaire. Le 6 mars 2018, exposé du président. Selon Le Monde, « le plan Macron pour désengorger les prisons. » Ma propre lecture est plus sévère. Le président dit du bout des lèvres que la prison est source de récidive, qu’elle ne prépare pas à la réinsertion, que les conditions de détention sont indignes. Mais il est très embarrassé car l’opinion publique est majoritairement pour une répression forte s’appuyant sur une incarcération, et sur une incarcération aux conditions dures. Il faut, dit Macron, réduire les pouvoirs du juge d’application des peines ! Pas de prise en compte de la personne, je ne veux voir qu’une seule tête. D’où un discours dont on ne sait trop que tirer. Le président est convaincu que de courtes peines de prison n’ont aucun sens, il veut interdire de prononcer des peines inférieures à un mois. Cela va-t-il conduire les tribunaux à augmenter la durée des peines ? Quoi qu’il en soit, ces peines concernent surtout les délinquants de la route, qu’on a bien tort de persécuter malgré le grand nombre de victimes qu’ils provoquent. Les délinquants de la route assassins sont des gens comme nous, pas de la racaille. Le président a aussi l’intention de considérer comme de vraies peines le travail d’intérêt général, le port du bracelet électronique, les stages. J’approuve totalement. Au-delà des intentions, on attend les textes ! Et comment convaincra-t-il une opinion publique qui veut toujours plus de prison ? Le journal signale en encadré que le taux de personnes détenues atteint en 2018 quasiment 100 pour 100 000 habitants, contre 75,6 en 2001. Si les sentiments avaient quelque chose à faire en politique, on ferait preuve de compassion pour un président aussi emberlificoté dans une soupe idéologique.

Les insecticides tuent les insectes

Source : Le Monde, 2 mars 2018

Dans une série de rapports rendus publics le 28 février 2018 l’Autorité européenne de sécurité des aliments estime que trois des molécules employées comme insecticides présentent un risque pour les abeilles domestiques et sauvages. Jean-Marc Bonmatin, chercheur au CNRS estime que c’est toute la diversité des invertébrés qui subit les effets délétères de ces substances, avec des effets en cascade sur les prédateurs de ces espèces, comme par exemple les poissons et les oiseaux, qui déclinent également.

La revue Environmental science and pollution research expose, dans son numéro du 25 février 2018 que ces, substances n’ont qu’une utilité marginale ou aucune utilité pour l’augmentation des rendements agricoles. La source du problème est que les personnes qui conseillent les agriculteurs sont aussi celles qui leur vendent ces produits. Dans sa campagne électorale Emmanuel Macron avait promis de séparer ces activités. Maintenant qu’il est président il juge sans doute qu’il ne faut pas emmerder les Français avec ça, comme il l’a déjà dit pour l’alcoolisme causé par le vin.

Privatisations

Dans une politique ni droite ni gauche (???) le gouvernement a l’intention de privatiser les aéroports de Paris. Dans les médias que je lis, cela étonne, car ADP a une fonction essentielle pour l’ensemble du transport aérien en France. Cette privatisation pourrait conduire les détenteurs du capital a des décisions qui auraient de l’influence sur l’aménagement du territoire et pourraient venir en contradiction avec les politiques décidées par les élus. Sans parler des inévitables conséquences collatérales sur le trafic militaire. Plus mystérieuse encore est l’intention du gouvernement de privatiser la Française des Jeux. C’est pourtant un capital sans risque : dans un jeu de hasard, compte tenu des façons de calculer les gains, le casino est toujours gagnant. La Française des Jeux est toujours gagnante, donc on la privatise ! À l’époque où l’on avait privatisé les autoroutes François Bayrou s’était élevé contre ce cadeau sans contrepartie fait au privé. Certes la Française des Jeux a moins d’influence sur l’aménagement du territoire, mais tout de même. Le mythe du libéralisme est que l’investisseur, courageux, prend des risques. Prendre des risques sur une activité par nature gagnante !

Le tour de la France par deux enfants

Reçu de l’un de vous RJ

Bravo mille fois JM B pour ton travail et les réflexions que tu nous proposes et qui nous évitent de rester endormis comme des marmottes. [Allons, pourquoi s’en prendre aux marmottes qui font partie de la biodiversité ? N’y a-t-il pas suffisamment d’endormis dans l’espèce humaine ?]

Une hypothèse par rapport à ta remarquable analyse du livre de G. Bruno. La conscience de classe existait sans doute mais la lutte des classes n’avait pas émergé vraiment dans les consciences. La révolution industrielle, l’urbanisation, le salariat, les syndicats, le socialisme et Marx n n’avaient pas fait leur œuvre. Je te conseille la lecture du"Pays bleu " d’Édouard Jauffret édité chez Belin en 1941 avec une préface de Monsieur L. Vigand, inspecteur d académie de la Haute-Savoie, pour les lecteurs de 7 à 9 ans. Je te recommande aussi la note de l’auteur. Magnifique livre qui était mon livre de chevet ainsi que celui de ma compagne, chacun de notre côté dans notre enfance. Nous ne nous en séparons jamais. C’est dire. (Il est proposé à 100 euros, je l’ai acheté à 9,99, édition originale. Je ne sais p as ce que je recevrai pour ce prix ! Surprises du commerce électronique… Eh bien oui, j’ai reçu quelque chose qui ressemble fort à une édition d’époque. Peut-être le particulier qui vendait n’avait-il pas de notion des prix ? C’est comme à la loterie.)

Eh ben… Travail remarquable ! Je suis sur un petit nuage ! Le même lecteur, dans un message ultérieur, précise son propos.

J’ai été un peu vite en besogne en t’indiquant que l’ouvrage de 1877 tenait aucun compte des classes sociales parce que la prise de conscience de celles-ci était plus tardive. Je crois que c’est plus compliqué historiquement. On en reparle. Ce qui est vrai c’est que la France et son école étaient rurales. Vraiment ? Sans doute, mais il existait tout de même le réseau des petits lycées pour les enfants de la bourgeoisie. Évidemment le livre n’en parle pas. Je peux sans doute être rangé dans les symboles de l’ascension républicaine : haut fonctionnaire, parents moyens fonctionnaires, grands-parents petits agriculteurs. Et pourtant je n’ai jamais été à l’école communale. J’étais dans les classes primaires du grand lycée bourgeois d’Annecy puis du grand lycée bourgeois de Lyon, puis dans les classes de la 6° et la 3° de ce même grand lycée, avant de poursuivre dans le même lycée jusqu’au bac et en prépa. La France et son école étaient rurales… pour les milieux modestes dans les campagnes.

Reçu de l’un de vous JD

Bravo pour ton analyse des 2 enfants. Mais l’une des réactions que tu as reçues sur le rôle de l’école me parait bien caricaturale. Comme si l’école était une entité abstraite. L’école était faite par des instits (infiniment plus impliqués dans la société que les professeurs des écoles d’aujourd’hui) et très majoritairement socialistes ou communistes. Cf le journal de l’époque au beau titre : « l’école libératrice. »

L’enfant est une personne ?

À tort ou à raison, j’ai pris l’habitude dans l’autobus de demander l’usage des places pour handicapés, quoi que n’ayant pas de carte. En général on se lève très volontiers. Ce jour-là un père et son fils de six ans occupent les deux places en vis-à-vis. Je demande la place à l’enfant, il se lève sur un signe de son père, puis se met à bouder de façon ostensible et théâtrale. Considérant que c’est une personne, et pour lui dire qu’il n’a pas été victime d’une vindicte personnelle, je lui dis en deux phrases que d’une part il était sur une place pour handicapés et d’autre part que la coutume fait que les plus jeunes laissent leur place aux plus âgés. Fureur du père : il n’a que six ans, il ne peut pas comprendre, et ce n’est pas à moi de lui parler, c’est à son père. Commentaires divers dans l’autobus. Cela me fait penser. Certes on parle d’âge de raison, mais cela veut-il dire qu’avant l’âge de raison il ne faut rien dire aux enfants ? D’autre part l’éducation des enfants est-elle vraiment la propriété exclusive des parents ? Certains pensent cela et préfèrent ne pas envoyer leurs enfants à l’école, pour les éduquer seuls et les instruire à la maison. Personnellement je suis très heureux que l’école instruise mais aussi socialise les enfants.

Fin de la lettre du 10 mars 2018