[alerte] - JM Bérard - 11 avril 2017

jean-michel.berard orange.fr

Table des matières

[alerte] - JM Bérard – 11 avril 2017

Documentaire

Science : quelles limites ?

Science sans conscience n'est que ruine de l'âme

La science n'est qu'une affaire de bon sens

Réflexions sur les présidentielles

Les étapes du débat dans la lettre [alerte]

Mon point de vue : dans le moment que nous vivons, revenons à la réalité

L'âge de la régression

Fonctionnement de la lettre [alerte]

Fin

 

 

 


 

Documentaire

Recommandé par Télérama, une question que l'on retrouve souvent depuis quelque temps : le ventre, notre deuxième cerveau. En replay sur Arte. Je ne l'ai pas encore regardé.

http://boutique.arte.tv/f9476-ventre_notre_deuxieme_cerveau

Science : quelles limites ?

Science sans conscience n'est que ruine de l'âme

C'est de Rabelais. Cela semble une évidence morale. Et pourtant. Il me semble qu'il n'y a aucune raison pour que l'être humain impose des limites à sa soif de savoir, à l'étendue de ses recherches. Je dis cela parce qu'il me semble qu'il y a un peu danger. On n'est plus à l'époque où l'Église catholique romaine, pour des raisons purement idéologiques de place de l'homme par rapport à Dieu, interdisait la publication et la diffusion des recherches sur la conception du Système solaire qu'elle voulait continuer de considérer comme centré sur la Terre. Époque terminée ? Je crains que non. Des religions bornées (évangélisme aux USA, islamisme radical) veulent interdire l'enseignement des lois de Darwin dans les écoles, veulent imposer que le créationnisme (idée que le monde résulte du « dessein » intelligent d'un être supérieur) soit enseigné obligatoirement. Ce courant est présent en France. Ce qui m'inquiète le plus en ce moment sont toutes les limites que l'on prétend imposer à la recherche en biologie. Je pense en particulier, en France, à la très grande influence des thèses catholiques radicales des mouvements de « pensée » inspirés par le professeur Lejeune. On parvient ainsi, par une guérilla juridique efficace, à freiner certains aspects de la recherche en biologie comme contraires à une certaine idée purement idéologique de la personne humaine.

Cela veut-il dire que l'on a le droit de faire n'importe quoi des résultats des recherches ? Non. Il existe des comités d'éthique, des groupes de réflexion de scientifiques, de citoyens

Grâce à des techniques nouvelles, accessibles à de nombreux laboratoires « moyenne gamme », souvent à la recherche de rentabilité, les manipulations génétiques deviennent simples, de nombreuses personnes s'en inquiètent. Va-t-on pour des raisons commerciales vers une généralisation de la création d'êtres bizarres dotés de caractéristiques particulières pour répondre à tel ou tel besoin ou encore vers la création de clones humains ? Sans freiner la recherche, il faut mettre en place des dispositifs de régulation constitués de savants, de philosophes, de sociologues, de citoyens ayant réfléchi aux questions. Je déforme peut-être : la théorie de la relativité fait aujourd'hui partie des modes usuels d'explication de notre monde. Il demeure que, je crois, Einstein lui-même était très hostile à l'une des applications de cette théorie, la bombe A et la bombe H.

https://fr.wikipedia.org/wiki/Albert_Einstein

Cela aurait évidemment été très grave, pour la connaissance, pour la compréhension et la maitrise du monde, que l'on interdise la théorie de la relativité sous prétexte que l'une de ses conséquences permettait la construction de bombes A et H. Mais fallait-il, alors même que ce n'était pas indispensable à la conduite de la guerre, utiliser ces armes contre les êtres humains de Hiroshima et Nagasaki.

Non à l'interdiction idéologique de certaines recherches en biologie, oui à des comités d'éthique forts.

La science n'est qu'une affaire de bon sens

Beaucoup sont exaspérés par ce qu'ils ressentent comme une arrogance des savants voulant trancher de tout et se servir de leurs savoirs pour imposer « leurs » décisions. On devrait, entend-on souvent, davantage tenir compte du bon sens populaire. Cette idée courante est largement confortée par le fait que, au moins en France, la physique et la chimie sont enseignées de façon très abstraite, ce qui fait qu'une grande majorité de la population garde un mauvais souvenir de cette formation et la rejette a priori « Moi, j'étais nul en physique chimie ». Reste alors à se raccrocher au bon sens populaire.

Malheureusement, cela ne marche pas. Les conséquences de la théorie de la relativité sur la conception de l'espace et du temps, bien qu’actuellement parfaitement validées par toutes les expériences, sont absolument en dehors de notre sens commun. Pis encore pour la mécanique quantique qui rend compte « parfaitement » du comportement des « petites » particules, mais nous est absolument inconcevable.

Un exemple : Isaac Newton (1643 1727) a élaboré une théorie de la mécanique qui rend fort bien compte de tous les phénomènes de notre environnement courant. Dans cette théorie, la force modifie la vitesse : l'augmenter ou la diminuer, lui faire changer de direction (force centrifuge)… Dans cette théorie, qui, répétons-le, explique fort bien notre environnement usuel, si la vitesse est constante il n'y a pas de force. Et s'il n'y a pas de force la vitesse est constante. Lorsqu'on regarde bien, cela est absolument contre-intuitif, contraire au bon sens. Comment la vitesse peut-elle être constante s'il n'y a pas de force ? Si le vélomoteur avance à vitesse constante c'est bien parce qu'il y a la force du moteur ; si l'on coupe le moteur, plus de force, plus de vitesse. Cela semble évident. Et troublant : d'après la théorie de Newton si le vélomoteur avance à vitesse constante c'est parce qu'il n'est soumis à aucune force ! On a du mal à y croire, mais c'est bien le cas : le vélomoteur est soumis, grâce au moteur, à des forces qui le font avancer, mais il est soumis aussi à des forces qui le freinent (résistance de l'air, frottements de roulement…). La vitesse est constante lorsque ces forces s'équilibrent exactement. Résultante nulle, vitesse constante. Absolument contre-intuitif.

Réflexions sur les présidentielles

Bon alors, après toutes ces hésitations, où en est-on du débat dans la lettre [alerte] ? Pour ne pas lever aussitôt un suspense insoutenable, en ce qui concerne ma propre décision je pense qu'il faut attendre : la situation, les sondages, les prises de position des uns et des autres évoluent d'un jour à l'autre, nul ne peut pour l'instant prévoir où l'on en sera à la veille du premier tour. C'est un principe de réalité : comment faire barrage au mieux à Fillon Le Pen ? Désolé, je ne suis pas d'accord avec ceux de vous qui s'en tiennent aux principes, à la clarté, à l'expression d'une position claire. Les faits ne sont pas clairs.

Les étapes du débat dans la lettre [alerte]

Le 6 avril je publie un texte de l'un de vous, très attaché au parti socialiste, et qui, en toute cohérence, votera Hamon.

http://alerte.entre-soi.info/post/2017/04/06/%5Balerte%5D-JM-B%C3%A9rard-6-avril-2017

Le 7 avril je publiais un texte de l'un de vous, en désaccord avec le texte précédent.

[...] La bonne tenue de Fillon, malgré les affaires, qui auraient dû le disqualifier, outre qu'elle jette une lumière crue sur une bonne partie de la droite si bien pensante et si morale, n'exclut pas un 2e tour Le Pen Fillon. Dans cette hypothèse qui me révulse, je voterais personnellement nul au deuxième tour, mais au moins, au premier tour, mon vote "utile" pour Macron qui n'est certes pas le candidat idéal m'évitera de porter la responsabilité de l'accession au pouvoir d'une facho ou d'un pourri.

Ce texte suscite de vives critiques de nombre d'entre vous, bien exprimées dans le texte ci-dessous :

Je ne suis pas en accord avec la position de votre lecteur. Pour moi, pas de "vote utile", de "vote républicain", de "vote par défaut". Les puissances des médias et de ceux qui les financent veulent nous faire croire que le premier tour est (presque) joué, qu'il s'agit seulement de mettre un "bon second" en seconde place pour en faire un "premier présentable" au final.

Je sens qu'on cherche à me manipuler par ces arguments.

Je veux voter en fonction de mes idées, de mes engagements, de ma vision de notre avenir commun. On me demande mon avis, je veux le donner. Je ne veux pas voter par calcul.

- j'ai trouvé un candidat qui porte - en grande partie - ma vision du présent et mes espoirs pour l'avenir. Je voterai pour lui.

- je ne crois pas que les sondages doivent m'influencer (surtout en sachant la part d'incertitude actuelle), je refuse les spéculations.

- je ne crois pas qu'avoir fait voter la gauche pour Chirac, à l'époque, ait été une réussite : ne nous étonnons pas d'entendre parler d'UMPS aujourd'hui et ne recommençons pas à tout mélanger.

Donc je vote pour qui m'a convaincue et pas pour qui ne semble pas trop dangereux (a priori et en surface seulement !).

C'est la première étape. Je ferai face aux suivantes.

Mon point de vue : dans le moment que nous vivons, revenons à la réalité

J'ai la plus grande estime pour l'auteure de ce texte, le plus grand respect pour la sincérité de ceux qui m'ont envoyé des messages analogues. Mais je pense que ce sont des messages totalement hors de la réalité.

D'une part je ne mettrais pas du tout Chirac sur le même plan que Le Pen.

Pourquoi hors de la réalité ? Je ne fais pas des élections la définition de la démocratie. Dans une période historique « ordinaire » les habitants d'un territoire ont, globalement, un système de valeurs communes. Dans les sociétés « démocratiques » ce système de valeurs est fondé sur la déclaration universelle des droits de l'homme et autres textes de ce type. Les élections ne sont qu'une façon de trouver un compromis. Mais cela suppose ces valeurs partagées et ce compromis possible. Nous ne sommes pas du tout dans une époque historique « ordinaire » : le système économique et financier s'effondre sous son propre poids, le mode de penser en commun se dissout. Dans le monde entier les populismes gagnent, l'absence de pensée triomphe, la haine monte. Les modes habituels de pensée n'ont plus de sens. C'est pourquoi, dans cette époque où partout des mouvements populistes ont la « confiance » du peuple, il me semble qu'il faut définir des priorités. En l’occurrence, en France, tout faire pour éviter l'accession au pouvoir de Le Pen Fillon.

L'âge de la régression

Le Monde daté des 9 et 10 avril 2017 consacre une large place à l'analyse de l'ouvrage « L'âge de la régression, nous vivons un moment historique » (Premier parallèle, 316 pages, 22 euros) publié en plusieurs langues, œuvre de quinze intellectuels du monde entier. Le monde entier semble plongé dans une grande régression. J'avais conscience de l'effondrement des valeurs régissant les systèmes économiques, je n'avais pas perçu à ce point l'effondrement de la pensée. Ces analyses me sont pour l'instant peu familières, je dois me contenter de vous donner quelques citations.

Repli identitaire, essor des démagogues autoritaires, propagation d'un Mai 68 à l'envers, le monde semble plongé dans une grande régression. Un gigantesque basculement idéologique qui bouscule nos représentations politiques. […] L'idée du livre a germé dans la tête de l'éditeur Heinrich Geiselberg après les attentats du 13 novembre 2015 à partir de questions simples mais abyssales : comment sommes-nous arrivés à pareille situation, comment mettre un terme à cette régression globale ? Olivier Darchtway, Allemagne : la période que nous vivons est un processus de décivilisation. La sublimation des pulsions [...] qui fait qu'une civilisation se construit et se distingue de la barbarie est en train de se dissoudre partout, dans la rue, sur les réseaux sociaux. Pankaj Mishra, Inde : le ressentiment s'est transformé en une épidémie globale. Ivan Krastev, Bulgarie : Cette grande régression n'est pas un simple mauvais moment à passer ni un repli passager mais un véritable retournement. Paul Mason : une sociale démocratie décidée à défendre les droits de l'homme, l'égalité des sexes, la liberté individuelle, décidée aussi à protéger les migrants et les réfugiés doit partir du principe que son socle électoral se trouve désormais parmi la jeunesse mise en réseaux, parmi la main-d’œuvre du secteur public ainsi que parmi la main-d’œuvre des grandes entreprise à la fois hautement technicisée et globalisée, les minorités ethniques, les travailleurs migrants et les femmes. Bon, je me suis lancé dans une entreprise impossible : il faudrait tout citer.

Une grande déception cependant : il me semble que le point le plus crucial en ce moment est le fait que nous détruisons avec méthode notre cadre de vie. Rien n'est dit à ce propos.Il me semble aussi que beaucoup de travail reste à faire sur la piste ainsi pointée, pour rendre concrètes les déclarations d'intention. Travail à suivre avec intérêt ? Simple coup marketing ? A voir.

Fonctionnement de la lettre [alerte]

Inscription sur la liste de diff sur simple demande. On peut aussi se désinscrire, sans même avoir à remplir un long questionnaire pour savoir les raisons du départ. Les adresses des destinataires n’apparaissent pas lors de l’envoi.

Vous pouvez m’écrire à

jean-michel.berard@orange.fr

Ce qui est écrit dans cette lettre n’engage strictement que moi, sauf bien sûr s’il s’agit de la citation d’un appel ou d’un communiqué.

Les remarques et réactions que vous m’envoyez concernant ce que j’écris me sont précieuses, indispensables, car elles font rebondir la réflexion.

Lorsque je publie l’une de vos réactions, je ne mentionne pas votre nom. La liste de diffusion comporte près de 300 abonnés, qui plus est la lettre est disponible sur internet et je pense que vous ne tenez pas forcément à ce que votre qualité de lecteur de [alerte] soit diffusée ainsi à tous les vents. Je peux selon ce que vous souhaitez citer votre prénom ou vos initiales, ou continuer à garder la mention « reçu de l'un de vous ».

Les messages que vous m’envoyez, s’ils concernent la lettre [alerte], sont réputés pouvoir être diffusés dans la lettre, un peu comme le courrier des lecteurs qui écrivent à un journal, mais sans que votre nom soit cité. Si en m’envoyant une réaction à propos de la lettre vous ne souhaitez pas du tout qu’elle soit publiée, merci de me le signaler.

Outre l’envoi par courrier électronique sur simple demande, les lettres [alerte] sont consultables sur

http://alerte.entre-soi.info

Fin

De la lettre du 11 avril 2017